Par Lyn Julius, co-fondateur de Harif, association de Juifs du Royaume Uni, originaires du Moyen Orient et d’Afrique du Nord
Paru dans le guardian.co.uk le 25 Juin 2008 | Traduit par Albert Soued, pour www.nuitdorient.com. Admettre la détresse de ces réfugiés Juifs, gommée de l’Histoire, pourrait être la clé de la paix au Moyen Orient. Devant une audience de Députés et de Lords, membres du parlement, une réfugiée juive d’Egypte, Sarah Fedida, 80 ans, a raconté son histoire et le traumatisme subi lors de son départ en 1956, lors de la crise de Suez.
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Son mari a été licencié, obligé de partir en Europe pour nourrir sa famille, la laissant malade avec un bébé. Avec 25 000 autres, elle a été expulsée par Nasser, sans ressources, obligée de signer un document promettant de ne plus jamais revenir. Dans un dernier acte de méchanceté, les officiers des douanes ont fouillé sa valise et même le porte-bébé.
Sarah Fedida parlait lors d’un Congrès à la Chambre des Lords, organisé par le Forum JJAC, Justice pour les Juifs des pays Arabes, coalition internationale de 77 organisations qui venait d’inaugurer sa création à Londres. Le but de cette coalition est de jeter la lumière sur les droits oubliés de 856 000 réfugiés Juifs comme Sarah (1).
L’exode a commencé il y a 60 ans quand les pays Arabes se sont précipités pour jeter à la mer le nouvel état créé, Israël, sans succès. Dans leur dépit, ils se sont retournés contre leurs propres communautés juives, pourtant pacifiques. Les violences de la rue ont pris la vie de plus de 150 Juifs. En l’espace de 10 ans, plus de la moitié des Juifs avaient fui ou avaient été expulsés, après l’application de lois discriminatoires, des extorsions, des arrestations, des internements et des exécutions. Ceux qui sont restés sont devenus assujettis, otages politiques dans le conflit israélo-arabe. Aujourd’hui, en dehors de quelques 4500 Juifs âgés, les pays arabes sont "nettoyés" de leurs Juifs (2).
Comme l’exprime l’historien Nathan Weinstock, même les Juifs d’Allemagne de 1939 n’ont pas été si bien "ethniquement nettoyés".
Le déplacement des Juifs des Pays Arabes n’était pas seulement la conséquence de la création d’Israël et de l’humiliante défaite des Arabes. Les ingrédients de l’expulsion étaient déjà là, bien avant. Les états de la Ligue Arabe avaient rédigé en novembre 1947 une loi désignant leurs Juifs d’"étrangers ennemis". Et les minorités non- Musulmanes, rejetées et méprisées dans l’Histoire comme "dhimmis" (protégées), avec peu de droits, étaient déjà opprimées par des régimes pan-arabes inspirés des Nazis. Ce nationalisme arabe exacerbé, laïc ou religieux s’est heurté de front au sionisme et a provoqué un conflit qui dure jusqu’à ce jour.
La "Nakba" juive ou catastrophe en arabe, n’a pas seulement vidé des capitales comme Bagdad, qui était juive pour un tiers, des ses Juifs, elle a aussi déchiré le tissu culturel, social et économique de ces terres arabes. Les Juifs ont perdu leurs maisons, leurs synagogues, hôpitaux, écoles, cimetières et des terres ayant comme superficie 5 fois la terre d’Israël. Cet héritage ancien, datant de plus de 1000 ans avant l’arrivée de l’Islam d’Arabie, a été entièrement détruit.
L’état Juif a vaillamment lutté pour recueillir 600 000 parmi les réfugiés Juifs des pays arabes, rendus apatrides. Cet état est la réponse à l’antisémitisme arabe et il est l’expression politique légitime d’un peuple indigène du Moyen Orient. La moitié de la population juive d’Israël est issue de ces réfugiés juifs des pays arabes et musulmans.
Les gouvernements arabes n’ont jamais admis avoir commis une violation massive des droits civils et humains de leurs Juifs. Ils ne se sont jamais excusés et n’ont jamais offert de compensation pour les biens séquestrés et perdus.
Plus de 120 résolutions de l’Onu se préoccupent de 711 000 réfugiés Palestiniens, et aucune ne fait référence aux 856 000 réfugiés Juifs des pays arabes. Et bien que les nombreuses initiatives de paix fassent référence au problème des réfugiés, sans spécifier Juif ou Musulman, bien que se référant aux 2, Israël a toujours refusé de politiser l’affaire des réfugiés Juifs, en les intégrant dans son territoire comme citoyens à part entière, sans les mettre en avant dans les pourparlers.
Ainsi le déni arabe est devenu l’allié objectif du silence Israélien pour effacer la question des réfugiés Juifs des pays arabes de l’horizon des négociations. D’où l’oubli, les déformations et les aberrations...
JJAC a réussi avec un certain succès à jeter la lumière sur cette question, en provoquant le vote en avril d’une résolution de la Chambre des Représentants américaine. Celle-ci précise que toute résolution future mentionnant les réfugiés Palestiniens, doit inclure explicitement les réfugiés Juifs des Pays arabes. Le but est de reconnaître un fait, mais ne concerne pas forcément une restitution de biens spoliés, alors qu’on estime les pertes juives à 2 fois celles des Palestiniens (3). Reconnaître qu’il y eut des victimes des 2 côtés n’est que justice à l’égard des victimes juives, et ce n’est pas seulement un impératif moral, mais la clé de toute réconciliation.
Un énorme obstacle à la paix pourrait être supprimé si le "droit au retour" des Palestiniens était contre balancé par le droit des Juifs à ne pas retourner dans les "tyrannies" arabes, reconnaissant de ce simple fait un échange de populations d’un nombre quasi-équivalent. Le sort des réfugiés Juifs recueillis pendant 12 ans en Israël dans des tentes (camps de transit ou maa’barot) peut servir de modèle pour la réinstallation dans les pays arabes ou dans le futur état palestinien des réfugiés arabes qui languissent encore dans des camps.
La perception d’une "catastrophe" juive se précise aujourd’hui. Une juive Libyenne qui a fui son pays pour sauver sa vie s’est adressée au Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu. Les réfugiés Juifs sont mentionnés à Westminster et on en parle à la BBC. Il en est de même au Canada, aux Etats-Unis et au Parlement européen. La campagne pour la justice se déploie et avance.
Lors de l’information au Parlement britannique, Sarah Fedida a témoigné que 2 types de réfugiés sont issus du conflit arabo-israélien. Le Royaume Uni serait bien inspiré d’examiner le rôle utile qu’il peut avoir pour trouver une issue juste au problème des réfugiés au Moyen Orient.
Il y a 52 ans, Sarah Fedida a rejoint son mari en Angleterre. Ils ont reconstruit leur vie et mis l’Egypte derrière eux. Cela ne signifie pas qu’il ne faut leur rendre justice.
Notes de www.nuitdorient.com
(1) Ce chiffre est reconnu par l’Onu
(2) Il faut noter qu’en 60 ans les pays arabes ont été vidés de leurs Juifs, alors qu’en Israël et les territoires autonomes, la population musulmane a été multipliée par 6
(3) D’autres estimation font état d’un rapport de 1 à 10, soir 200 milliards $ contre 20.
(4) Lors de ce Congrès l’historienne Bat Yéor (alias Gisèle Littman), expulsée d’Egypte et vivant en Suisse pense que "le public occidental a adopté une version simpliste du conflit israélo-arabe qui l’arrange, il démonise Israël et blanchit les pays arabes. Avec ces idées, il soutient une idéologie criminelle sans comprendre ce qui se passe au Moyen Orient. Il faut absolument l’informer des souffrances et préjudices subis par les Juifs des pays arabes, afin qu’il puisse comprendre et équilibrer son jugement.