23.8.08

QUI JOUE AUX DOMINOS ?

Caroline Glick
JERUSALEM POST
Adaptation française* de Sentinelle 5768 ©

L’invasion de la Géorgie par la Russie met à nu plusieurs aspects du système international que l’Occident conduit par les USA a délibérément ignoré depuis la chute de l’Union soviétique. Une vérité ancienne qui mérite attention est que la théorie des dominos dans les relations internationales demeure vraie. Cette théorie affirme que des évènements dans un domaine géographique susciteront des évènements similaires dans d’autres zones.

Les grandes puissances ne sont pas les seules qui peuvent provoquer la chute des dominos. De petits Etats le peuvent aussi. Les actions d’Israël l’ont clairement démontré.

Cette semaine, le gouvernement Olmert-Livni-Barak a voté pour la libération de prison de 199 autres terroristes. Les dirigeants d’Israël ont prétendu qu’après la libération d’assassins terroristes aux mains du hezbollah le mois dernier, nous n’avons pas d’excuse désormais pour ne pas relâcher des terroristes meurtriers aux mains du chef du Fatah, Mahmoud Abbas. Si Abbas ne peut pas parvenir aux réussites du hezbollah, ils arguent qu’il pourra être discrédité.

Mais comme le journaliste Khaled Abu Toameh du ‘Jerusalem Post’ l’a expliqué lundi, il n’y a virtuellement personne dans l’Autorité Palestinienne qui croit qu’Israël renforcera les forces en faveur de la paix dans la société palestinienne en relâchant des terroristes de prison. Ces terroristes renforceront simplement les éléments les plus radicaux de la société palestinienne, généralement alliés avec le hamas et le jihad islamique.

Des libérations antérieures de terroristes ont démontré qu’un nombre non spécifié d’Israéliens paieront de leur vie l’idiotie du gouvernement. Mais ce n’est pas seulement Israël qui subit l’impact de ses fautes. Cela nuit aussi à la Jordanie.

Juste après que le gouvernement ait annoncé sa décision, la Jordanie a annoncé qu’elle libérait quatre assassins jihadistes de ses prisons. Les quatre terroristes, qui ont tué deux soldats israéliens en 1990, avaient été condamnés à la prison à perpétuité en Israël. L’été dernier, dans le cadre d’une « mesure de construction de la confiance » envers le roi Abdullah, Israël les a transférés en Jordanie pour purger leur peine.

Si Israël ne peut pas refuser au Fatah ce qui a été accordé au hezbollah, de même la Jordanie ne peut refuser au hamas ce qu’Israël a accordé au Fatah et au hezbollah. La Jordanie ne peut pas être plus stricte avec des assassins d’Israéliens qu’Israël ne l’est.

Le récent rapprochement de la Jordanie avec le hamas suit le même modèle. Selon le journal saoudien ‘Al- Watan’, le chef du hamas basé à Damas Khaled Mashaal doit se rendre une visite en Jordanie dans les jours à venir, dans le cadre de la reconstruction de la stratégie politique générale jordanienne de ses liens de coopération avec le groupe jihadiste contrôlé par l’Iran. Amman a coupé ces liens en 2006.

Il ne peut exister aucun doute que le hamas et son organisation sœur ‘les Frères Musulmans’ en Jordanie constituent des menaces pour le régime hachémite. Le gouvernement jordanien préfèrerait sans aucun doute n’avoir rien à faire avec le hamas. En vérité, il serait sans doute satisfait si le groupe terroriste était détruit. Mais la Jordanie ne peut pas agir de son côté. Seul Israël peut faire cela.

Mais Israël a refusé de prendre la moindre mesure contre le hamas alors que celui-ci a consolidé son contrôle sur Gaza et augmenté son influence en Judée et en Samarie. L’inaction d’Israël a obligé la Jordanie à se compromettre avec le groupe terroriste contrôlé par l’Iran.

Le refus d’Israël de reconnaitre les interconnexions des évènements internationaux a aussi un impact dans toute la région. La myopie stratégique des USA affecte les évènements à travers le monde. De récents exemples au Pakistan l’illustrent.

Depuis les attaques du 11 septembre 2001, les USA ont ignoré la situation intérieure au Pakistan. D’abord ils ont placé toute leur confiance dans le président pakistanais Pervez Musharraf pour agir en tant qu’allié. Washington a ignoré le refus de Musharraf de purger l’armée pakistanaise et sa puissante agence de renseignement interarmées de ses éléments jihadistes infiltrés, qui collaboraient avec al Qaïda et les Talibans, leur fournissaient un refuge sûr et leur ont permis de prendre le contrôle de provinces bordant l’Afghanistan.

Puis, dans une volte-face, l’an dernier Washington a tenté de faire avancer son programme de démocratisation du monde islamique en mettant la pression sur Musharraf pour autoriser des élections libres au Parlement pakistanais. Malheureusement, les USA ont échoué à noter que les Partis pakistanais à contenu soi-disant démocratique haïssent tous l’Amérique, et s’opposent à des mesures contre les Talibans et al Qaïda.

Maintenant que les forces “démocratiques” antioccidentales que les USA ont déchaînées ont chassé Musharraf du pouvoir, les USA ne disposent d’aucun allié dans les structures du pouvoir politique et du renseignement militaire au Pakistan, avec lesquelles collaborer pour combattre les Taliban et al Qaïda. Encore plus troublant, les USA n’ont personne en qui faire confiance pour assurer que les forces jihadistes ne gagnent pas un accès à l’arsenal nucléaire pakistanais.

Ce dernier point a été clairement démontré mardi quand le ‘New York Times’ a cité un officiel de haut rang de l’administration Bush qui notait que les agents jihadistes avaient fait des « efforts constants » pour infiltrer les laboratoires nucléaires du Pakistan. Au-delà de cela, même Musharraf n’a jamais donné aux USA une pleine assurance qu’il mettait l’arsenal nucléaire de son pays en sûreté. Musharraf a constamment refusé de rendre compte de la façon dont il dépensait les 100 millions $ que les USA lui transféraient dans l’objectif de sécuriser ses 50 à 100 têtes nucléaires.

Bien que pendant son premier mandat présidentiel, George W. Bush ait souvent prévenu du danger des armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive tombant entre les mains de groupes terroristes, ou leur soient transférées par des Etats parrains, cette question a été largement ignorée dans les années récentes. Les officiels de l’administration ont minimisé la signification d’une coopération ouverte entre les Taliban et al Qaïda d’une part, et l’armée pakistanais et ses agences de renseignements d’autre part. Et aujourd’hui, le refus de Washington de se confronter à cette coopération revient la hanter. Maintenant que les USA ne disposent pas d’options aisées pour empêcher que l’effondrement rapide des appareils de gouvernement pakistanais, disposant de l’arme nucléaire, ne les fasse tomber sous l’influence des Taliban et d’al Qaïda.

Une situation similaire se joue au Liban. Exactement de même que les USA ont ignoré les liens entre le régime pakistanais et al Qaïda et les Taliban, de même ils ont ignoré la signification du contrôle de l’Iran sur le hezbollah, et celle du hezbollah sur le gouvernement libanais.

Depuis que le Mouvement du 14 mars allié à l’Occident avait obligé a Syrie à retirer ses forces du Liban en 2005, les USA ont considéré ses dirigeants comme des allies stratégiques fiables. En conséquence, les USA ont refusé de comprendre que quand le premier ministre libanais Fouad Siniora a autorisé le hezbollah à rejoindre son gouvernement en 2005, il a effectivement placé celui-ci à la merci du hezbollah, et est ainsi devenu un vassal de l’Iran.

Les USA ont continué d’ignorer la soumission de Siniora au hezbollah pendant la guerre Israël-hezbollah en 2006. En espérant le renforcer, les USA ont interdit à Israël d’attaquer les infrastructures libanaises servant à la machine de guerre du hezbollah. Cette décision des USA a rendu beaucoup plus difficile la supériorité d’Israël dans le conflit. Et l’incapacité d’Israël à vaincre le hezbollah et indirectement l’Iran en 2006 a ouvert la voie à la prise du pouvoir par le hezbollah en mai.

Exactement comme les Taliban et al Qaïda ont saisi l’avantage du refus des USA de reconnaître la signification de leurs liens avec l’armée pakistanaise et les services de renseignement, de même le hezbollah, l’Iran et la Syrie ont exploité le refus des USA de reconnaître leur contrôle sur le Liban.

L’une des manières dont l’Iran, la Syrie et le hezbolllah exploitent le refus des USA de prendre conscience de leur contrôle sur le Liban, c’est de rendre ce contrôle incontestable. A cette fin, le hezbollah a forgé des alliances avec des groupes disparates au Liban, et a ainsi davantage isolé les voix pro-occidentales dans le pays.

Cette semaine, le hezbollah a signé un accord de coopération avec les salafistes liés à al Qaïda et soutenus par la Syrie à Tripoli (au Nord du Liban). Ce mouvement a choqué beaucoup d’observateurs qui avaient insisté du fait qu’une alliance entre les jihadistes shiites et sunnites était impensable. Ces observateurs avaient ignoré le fait que les shiites et les sunnites ont des alliances stratégiques à travers toute la région. L’Iran a une alliance stratégique avec la majorité sunnite en Syrie. Elle contrôle le hamas. Elle a accueilli des commandants d’al Qaïda sur son sol depuis 2001.

Dans une certaine mesure, la fiction de ces observateurs aveugles au sujet de l’antipathie shiite - sunnite a été encouragée par les sunnites et les shiites eux-mêmes. Comprenant l’intérêt que l’Occident ignore la menace qu’ils constituent ensemble et séparément, jusqu’à cette semaine ils n’ont jamais laissé apparaître explicitement leur alliance. Ce que l’accord du hezbollah avec les salafistes liés à al Qaïda à Tripoli démontre, c’est que les deux forces sont désormais si convaincues de la faiblesse de l’Occident, qu’elles croient n’avoir rien à craindre d’une coopération à découvert.

A l’opposé des évènements au Pakistan, qui sont la conséquence de la nature de la société pakistanaise et de l’échec des USA à reconnaître la nature de cette société, les derniers évènements au Liban sont au moins en partie la conséquence de la réponse impuissante de Washington à l’invasion par la Russie de leur alliée, la Géorgie.

On met souvent en avant que la Russie ne craint pas moins la domination islamique que l’Occident. Et alors que la Russie a certainement de bonnes raisons d’être préoccupée par les jihadistes, cela ne l’a pas conduite à agir comme un allié de l’Occident dans son combat contre les jihadistes. Au contraire, comme l’Iran et la Syrie et leurs groupes terroristes affiliés, la Russie considère les USA comme son véritable ennemi. Comme eux, elle cherche à exploiter les faiblesses des USA pour faire progresser ses propres positions.

La Russie comprend que les fondations idéologiques de l’Iran rendent impossible que Téhéran ne parvienne un jour à un accord avec les USA. Et elle exploite la situation à son bénéfice.

Moscou a construit en Iran un réacteur nucléaire. Elle fournit à l’Iran et à la Syrie des systèmes d’armes avancés. L’alliance de la Russie avec l’Iran et la Syrie fait progresser ses intérêts de deux façons : elle affaiblit les USA, et elle assure que la Russie ne sera pas la cible de la bombe nucléaire.

Exactement comme l’échec des USA à soutenir la tentative de destruction du hezbollah par Israël au Liban il y a deux ans, a ouvert la voie au pacte de cette semaine entre le hezbollah et al Qaïda, de même la faible réponse des USA au viol de la Géorgie par la Russie a enhardi les Russes, les Iraniens et les Syriens à révéler leur alliance stratégique à long terme. Mercredi, l’Iran a traité la Géorgie « d’Etat sioniste » du fait de ses relations étroites avec Israël. La Russie a retourné le compliment en prenant la défense du lancement du satellite iranien, et en soutenant l’annonce de l’Iran de construire six autres réacteurs nucléaires.

Le président syrien Bashar Assad a capitalisé sur la posture anti-américaine de la Russie en rendant visite à Moscou mercredi. La Russie a donné le ton de sa visite en condamnant les fournitures d’armes et l’assistance militaire d’Israël à la Géorgie. Elle a ensuite autorisé Assad à annoncer l’intention de Moscou de fournir à la Syrie un ensemble de missiles défensifs sophistiqués ‘Iskander’ que la Syrie a réclamé depuis longtemps.

L’exploitation par la Russie des points faibles des USA pour faire avancer ses propres positions laissent à ceux-ci deux options. Washington peut essayer de donner à la Russie une meilleure offre que ne le peuvent leurs ennemis. Ou bien les USA peuvent travailler à affaiblir leurs ennemis en leur faisant face tout en renforçant leurs alliés, forçant ainsi la Russie à une posture de coopération. Aujourd’hui, il n’y a pas de marché que les USA puissent offrir à la Russie permettant de concurrencer ce que la Russie retire de ses alliances avec les ennemis de l’Amérique. Aussi la première option est annulée.

Cela nous amène à la deuxième option qui est seulement le modèle de contention de l’expansion soviétique de la Guerre Froide, fondé sur la théorie des dominos dans les affaires du monde. Considérant la façon dont cela a déjà fonctionné autrefois, il y a peu de raison de ne pas y revenir maintenant. La décision des USA de signer une alliance stratégique avec la Pologne était d’abord une petite étape dans la bonne direction. Les décisions diplomatiques contre la Russie, comme mettre fin à la participation de Moscou au G-7 (club des sept pays démocratiques les plus industrialisés) et à son accord d’association avec l’OTAN, auraient déjà dues être mises en œuvre.

Mais plus important encore, en anticipant, les USA et Israël devraient retirer une leçon de leurs ennemis. Ils doivent admettre que quand ils sont forts et victorieux, leurs alliés sont renforcés à travers le monde. Et quand ils sont faibles et dissolus, leurs alliés paient aussi le prix de leur irresponsabilité.

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