16.9.08

LA SOCIETE ISRAELIENNE

par Aline Sultan
AROUTS SHEVA


La société israélienne est fragmentée. Multiculturelle, chacun y a ses exigences vis à vis de l’ensemble de la population. C’est une des sociétés les plus diverses, compte tenu de sa superficie réduite et de son nombre d’habitants. Chaque groupe voulant influencer les autres, son histoire a été traversée de conflits, mais ils s’estompent et progressivement, elle s’équilibre.
Dans la continuité du nombre de courants sionistes avant et après la création de l’Etat, la vie politique israélienne s’est toujours caractérisée par une profusion de partis politiques.


La création de l’Etat d’Israël ayant été précédée, accompagnée et suivie de plusieurs vagues d’Alya en provenance des quatre coins du monde, la société israélienne est composée de plusieurs communautés «ethniques»

La majeure partie des fondateurs de l’Etat étaient des Juifs venus d’Europe de l’Est rejoindre les Juifs d’origine séfarade qui vivaient en Erets depuis des générations. Etant plus nombreux, ce sont donc des Juifs ashkénazes qui ont occupé les positions économiques et politiques les plus importantes du pouvoir.

Durant les premières années après la naissance de l’Etat, les vagues d’Alya ont considérablement changé l’équilibre ethnique. Des centaines de milliers de Juifs du Yémen, d’Irak, de Tunisie et du Maroc ont afflué en Israël et au début des années 1960, ils représentaient plus de la moitié de la population juive du pays. Grâce à leurs relations culturelles et familiales avec l’élite locale, les immigrants ashkénazes ont relativement facilement tracé leur chemin au sein de la société israélienne et en une dizaine d’années, leur statut socio-économique a égalé celui des anciens habitants. Par contre, les Juifs orientaux originaires d’Afrique du Nord ou des Etats musulmans d’Asie, se sont retrouvés en marge de la société.

Les chercheurs expliquent ce fossé par le rejet des institutions à cause des différences culturelles. Quoi qu’il en soit, nul ne conteste le fait que les Juifs orientaux et en particulier les Juifs d’Afrique du Nord, ont été longtemps défavorisés. A leur arrivée, ils ont été installés dans des campements de transit et au bout d’une période plus ou moins longue, ils ont été orientés vers des villes de la périphérie, où les offres d’emploi et les possibilités d’études étaient très limitées.

Pendant très longtemps, les Juifs ashkénazes dédaignèrent la culture orientale et y furent nettement hostiles. C’est pourquoi ils ont tout essayé pour leur faire adopter une identité et des valeurs ashkénazes.

Dans les années 50, la situation économique de l’Etat s’améliora : la fin de la guerre de l’Indépendance, le ralentissement des vagues de Alya et l’accord des réparations allemandes permirent une croissance progressive du niveau de vie. Mais parallèlement, au sein de la population, le fossé économique s’accentua.

En 1959, des manifestations violentes opposèrent des Juifs du Maroc et les forces de polices. A la suite de ces évènements, une commission d’enquête conclut qu’il était temps de trouver des solutions aux problèmes des immigrants d’Afrique du Nord, mais refusa de reconnaître que ce secteur de la population avait délibérément été défavorisé par les institutions du pouvoir. En fait les efforts investis furent plutôt restreints : des solutions de logement furent proposées, les budgets des services sociaux furent renforcés, des Juifs orientaux furent invités à intégrer les rangs du Mapaï, parti au pouvoir à l’époque, mais aucune mesure pouvant engendrer un changement à long terme, ne fut prise.

Dans les années 60, durant lesquelles des dizaines de milliers d’immigrants arrivèrent d’Afrique du Nord, la situation des Juifs séfarades n’avait toujours pas changé et en 1971, un nouveau mouvement de protestation s’éveilla : les «Panthères noires», résidents du quartier de Mousrara, à Jérusalem, pour la plupart originaires du Maroc, organisèrent des dizaines de manifestations, parfois violentes, qui furent largement médiatisées. Leurs actions ne durèrent pas très longtemps, mais il faut reconnaître que grâce à elles, le sujet vint à l’ordre du jour, les budgets des services sociaux furent sérieusement augmentés et des mesures furent prises afin de venir en aide aux couches sociales défavorisées.

Le renversement et la prise du pouvoir par le Likoud en 1977, exprimèrent le dépit des Juifs séfarades qui tenaient le Mapaï et le Parti travailliste pour responsables de leur situation. Ménahem Bégin sut obtenir leur soutien en insistant sur les questions sociales.

Lors des élections de 1981, la tension entre les divers secteurs de la population n’avait jamais été aussi forte. Ce problème fut pour le Likoud, qui était alors au pouvoir, le tremplin qui lui permit de renforcer sa force électorale. Le caractère de cette campagne électorale se résuma par une phrase qui resta célèbre de l’humoriste Doudou Topaz, supporter du Parti travailliste, dans laquelle il qualifia les électeurs orientaux du Likoud avec dédain et de façon provocante en les traitant de «Tchahtchahim» (voyous) Le Premier ministre Ménahem Bégin reprit cette expression pour attaquer le Parti travailliste et concrétiser la politique que mena le bloc de la gauche, quand il était au pouvoir.

Pour la première fois, ces élections placèrent les séfarades à droite de la carte politique, sous les ailes du Likoud. Lors des élections de 1981, le mouvement ‘Tami’ fut créé par Aharon Abouhatsira, du Mafdal. Abouhatsira s’était retiré du Mafdal où il était défavorisé à cause de ses origines. Il créa son nouveau mouvement afin de faire progresser le statut des séfarades au niveau politique et économique. ‘Tami’ reçut trois sièges à la Knesset et deux portefeuilles au sein du gouvernement de Bégin.

C’est en 1984 que Shass fut créé. Il regroupa les séfarades religieux et se tourna également vers les électeurs de Tami. La réussite électorale de Shass fut considérable.

Par ailleurs, durant des dizaines d’années, les séfarades restèrent en marge du courant culturel israélien et particulièrement au niveau musical. On n’entendait jamais des chanteurs orientaux à la radio ou à la télévision. En 1989, une association fut créée dans le but de percer ce ghetto culturel et afin de faire progresser la chanson orientale en Israël.

Progressivement, le fossé s’est réduit au niveau culturel et politique. Par contre, on constate que le pourcentage d’étudiants universitaires originaires d’Europe et d’Amérique entre 20 et 30 ans, est toujours deux fois plus important que pour ceux venus d’Asie et d’Afrique. Si le salaire moyen des Juifs originaires d’Asie et d’Afrique est considéré supérieur à celui des Juifs ashkénazes, ce n’est que parce que les immigrants russes ont été inclus dans la population ashkénaze. Sans cela, le fossé au niveau des salaires reste de 31 % au profit des ashkénazes.

Ceci dit, si l’on estime que le fossé entre les divers secteurs de la population est dû à des raisons culturelles et historiques, l’évolution de ces dernières années permet d’espérer que nous allons vers un équilibre et que le fossé finira par disparaître. La découverte culturelle réciproque et les mariages entre ashkénazes et séfarades aidant, la fin de ce fossé ne saurait tarder.

La société israélienne est un ensemble structuré, composé d’un noyau central, de ce que l’on peut qualifier d’une grande famille et de deux groupes isolés :
1- Pour ce qui est du premier, il s’agit du Nord de Tel-Aviv, des séfarades et des Juifs traditionalistes.
2- Le deuxième regroupe les religieux, ceux de Judée-Samarie et les orthodoxes.
3- Dans le troisième, sont inclus la minorité non juive, les Russes et les Ethiopiens, les Arabes et les travailleurs immigrés.

Chaque groupe a ses propres exigences, les classes moyennes laïques essayant de se défendre contre les exigences des religieux.

Le Nord de Tel-Aviv représente la bourgeoisie israélienne. Ceux qui y habitent sont généralement des hommes d’affaires et des universitaires, pour la plupart ashkénazes, bien que quelques séfarades aient fini par s’y glisser. C’est une société de consommation pour laquelle l’important, est le statut social. Ils votent en majorité à gauche. Qu’ils le veuillent ou non, leur vie est d’une certaine manière liée à la religion juive et leur identité israélienne ne peut se détacher de sa dimension religieuse, vu ce que comporte la vie en Israël : la semaine qui débute le samedi soir, le jour de repos, qui reste le chabat, les fêtes juives et les fêtes nationales…etc. De plus, tous les ‘laïques’ font la Brit mila. Nul ne peut se dire ‘en dehors de la religion’

Rosh Haayn est à 95% habitée par des Juifs originaires du Yémen, respectueux des traditions religieuses et chez lesquels la notion de la famille est très importante. Ce secteur vote en majorité Shass. Ce qui a stimulé leur Alya, c’est l’imminence de l’arrivée de la Guéoula. Ils considèrent que leur insertion dans la société est la récompense de leur fidélité à leur foi des siècles durant. Pour eux, venir en Israël et se détacher des traditions juives grâce auxquelles ils y sont arrivés, serait impensable. Cette communauté a donc au contraire, en grande majorité, renforcé son attachement au monde de la Tora.

Bné Brak est un autre monde, où le fait d’être religieux est une sorte de militarisme. La plupart des hommes y vivent pour l’étude toute leur vie et se considèrent comme les vrais soldats d’Israël.
Par ailleurs, on y constate une révolution féminine silencieuse. De plus en plus, étant donné que quelqu’un doit faire vivre les familles nombreuses, pour bien gagner leur vie, les femmes apprennent un métier dans des instituts académiques, créés pour ce secteur. Par la force des choses, cette nouvelle vie les ouvre sur le monde extérieur.

Ashdod est composée de quartiers populaires habités par des Juifs originaires du Maroc et de quartiers habités par des Russes. Le maire est d’origine marocaine et son adjoint est originaire de Russie. Les Russes venant d’un pays très politisé, il n’est pas surprenant de constater que plusieurs municipalités en Israël ont des maires d’origine russe.
Dans les quartiers ‘marocains’ d’Ashdod, l’ambiance est plutôt méditerranéenne et dans les quartiers russes, s’est reconstituée l’Europe des petites familles. Les activités culturelles se déroulent en russe, des artistes russes viennent en tournée en Israël, les écrivains continuent d’écrire en russe, le russe est parlé dans la rue, dans les magasins… Toutefois, pour s’insérer dans le monde du travail, ils apprennent l’hébreu et deviennent rapidement bilingues.

La Judée-Samarie compte 250 000 habitants. Pour la plupart, ces citoyens israéliens s’y sont installés par conviction religieuse et par idéal. Ils ont fait du concept d’Israël le concept central de l’identité juive.

L’adaptation et l’intégration des Juifs d’origine éthiopienne est plus difficile que pour les autres communautés. Leur style de vie étant complètement différent, ils sont confrontés à de sérieux problèmes et il leur faudra beaucoup de temps et d’efforts pour les enrayer.


Enfin, les Arabes israéliens, parmi lesquels les Druzes et les Bédouins, sont de plus en plus nombreux et étant donné qu’ils se passent de permis de construction et que les lois ne limitent que les Juifs, ils construisent et s’étendent de plus en plus. Bien que leur culture, leur religion et leur langue et surtout le but de leur installation dans notre pays, soient différents, il s’insèrent de plus en plus dans la société israélienne et dans tous les domaines. Les lois contre la ségrégation leur ouvre les portes des universités et ils occupent de plus en plus de postes importants dans les hôpitaux, les tribunaux, etc.