Intérieur
La police recommande d’inculper Ehud Olmert
Les trois grands quotidiens israéliens consacrent une place importante à la recommandation faite hier par la police d’inculper le Premier ministre Ehud Olmert de corruption passive, d’abus de confiance, de blanchiment de fonds et de fraude fiscale dans deux affaires : l’affaire Talansky et l’affaire RishonTours. Il revient maintenant au parquet de décider quelle suite donner au dossier.
Le Haaretz reprend et résume le communiqué publié hier par la police et dans lequel elle fait part de ses recommandations au parquet : Dans l’affaire Talansky, M. Olmert est soupçonné d’avoir pendant plusieurs années illégalement reçu des sommes importantes de l’homme d’affaires et leveur de fonds américain Morris Talansky. En échange de ces versements, M. Olmert aurait contribué à promouvoir les affaires commerciales de M. Talansky. La police estime avoir suffisamment de preuves pour inculper le Premier ministre dans cette affaire de corruption passive, d’abus de confiance et de violation de la loi sur le blanchiment de fonds.
Dans l’affaire RishonTours, M. Olmert est soupçonné d’avoir, entre 2002 et 2006, chargé plusieurs établissements publics de couvrir ses frais de déplacement à l’étranger en se faisant rembourser plusieurs fois les mêmes dépenses. Il aurait ensuite utilisé les sommes reçues en double pour financer ses vols privés à l’étranger ainsi que ceux des membres de sa famille. La police estime avoir suffisamment de preuves pour l’inculper dans cette affaire d’abus de confiance et de fraude fiscale.
Dans une troisième affaire, celle du Centre des investissements, M. Olmert est soupçonné d’avoir accordé, lorsqu’il était ministre de l’Industrie (2003-2006), des allégements fiscaux à des usines qui étaient représentées alors par son ancien associé et ami personnel, Me Uri Messer. La police a décidé de ne pas transmettre à ce stade les éléments de cette enquête au parquet, estimant qu’un interrogatoire supplémentaire de M. Olmert est requis avant de pouvoir décider s’il y a suffisamment d’éléments pour l’inculper.
La police a également annoncé avoir suffisamment de preuves pour inculper l’ancienne assistante d’Ehud Olmert, Shula Zaken, de complicité de corruption passive et de blanchiment de fonds dans les affaires Talansky et RishonTours. Quant à Me Ouri Messer, il devrait lui aussi être inculpé dans l’affaire Talansky.
Le parquet s’est refusé hier à commenter les recommandations de la police. Selon des sources au parquet, la décision dans ce dossier devrait être rendue d’ici quelques semaines, probablement après les fêtes juives (fin octobre). Selon le Yediot Aharonot, au ministère de la Justice on estime qu’en fin de compte, le Premier ministre sera inculpé, mais on émet des doutes quant à la validité du chef d’accusation de corruption. « La recommandation d’inculper le Premier ministre de corruption dans l’affaire Talansky me paraît très exagérée », a déclaré un responsable du parquet cité par le journal.
Les conseillers d’Ehud Olmert se sont empressés de réagir aux recommandations de la police, écrit le Haaretz. Son conseiller en communication a déclaré que « la police n’a pas tiré la leçon des affaires passées dans lesquelles elle avait fait de grandes déclarations qui ont fini par se dissiper. Le seul objectif de la police est de faire sa propre promotion auprès de l’opinion publique ».
Les avocats d’Ehud Olmert ont publié un communiqué dans lequel ils affirment « La seule personne légalement habilitée à décider s’il faut inculper le Premier ministre est le Conseiller juridique du gouvernement. C’est sa prérogative et c’est une décision qui est de sa responsabilité. Les recommandations de la police n’ont aucune signification. La police ferait mieux de s’abstenir de s’exprimer sur des sujets qui ne sont ni de ses compétences ni de ses attributions. Rappelons que par le passé, la police a recommandé à trois reprises de faire comparaître en justice un Premier ministre en exercice et que dans aucun de ces trois cas le Conseiller juridique du gouvernement n’a suivi ses recommandations ».
Commentaires :
Olmert sait qu’une inculpation l’attend, écrit Nahum Barnéa, l’éditorialiste du Yediot Aharonot. Le conseiller juridique du gouvernement pourra effacer des chefs d’accusation, corriger et alléger mais il ne pourra pas empêcher l’inculpation. Le chef d’accusation le plus spectaculaire évoqué par la police est celui de corruption passive. Si la contrepartie offerte par Ehud Olmert à Morris Talansky se résume aux trois lettres de recommandation qu’il a écrites, cette accusation paraît bien exagérée. Quoi qu’il en soit, les accusation sont bien assez graves, même sans ce chef d’accusation.
Pour Sima Kadmon du Yediot Aharonot, il est pratiquement impossible que le parquet rejette les recommandations car cela reviendrait à admettre que tout ce qui a été fait jusqu’à présent était une erreur et qu’un Premier ministre a été destitué sans raison valable.
Emmanuel Gross, l’expert juridique du Maariv note qu’un représentant du parquet était présent tout au long des différentes enquêtes et que, de ce fait, les recommandations de la police ont en quelque sorte déjà le soutien du parquet.
Sur le plan juridique, la situation d’Ehud Olmert n’a pratiquement pas changé, écrit Amir Oren dans le Haaretz. Il n’est toujours pas inculpé. Toutefois, sur le plan de la morale politique, il ne peut rester à son poste ne serait-ce qu’une minute supplémentaire. Un Premier ministre dont la police affirme officiellement qu’il a escroqué des organisations caritatives doit se retirer, honteux, et se terrer chez lui.
Jusqu’à présent, Ehud Olmert n’a saisi aucune des occasions qui lui ont été données pour présenter une autre version des faits. Peut-être y parviendra-t-il face aux représentants du parquet, mais ce serait un rebondissement inattendu. Pour l’instant, plus Ehud Olmert s’éloigne du poste de Premier ministre, plus il se rapproche du banc des accusés.
Ari Shavit du Haaretz rend lui hommage au courage de la police qui n’a pas craint de s’en prendre à Ehud Olmert, « le Nixon israélien ». Jamais il n’y avait eu de Premier ministre tel qu’Ehud Olmert et il faut espérer qu’il n’y en aura plus jamais. Ce matin, les citoyens d’Israël peuvent être fiers de ces policiers courageux qui, enfin, sonnent le glas de cette période sombre, écrit-il.
Le gouvernement approuve une loi qui limite la Cour suprême
Le gouvernement a approuvé hier à la majorité de treize voix contre douze un projet de loi soumis par le ministre de la Justice, Daniel Friedmann et qui vise à limiter le pouvoir qu’a la Cour suprême d’annuler des lois votées par la Knesset. A l’heure actuelle, explique le Haaretz, la Cour suprême peut, selon la jurisprudence, annuler toute loi qui serait contraire à une « loi fondamentale ». Le projet de loi prévoit de limiter cette possibilité aux lois qui contrediraient la loi fondamentale sur le respect de l’être humain et sa liberté ou la loi fondamentale sur la liberté d’occupation, deux lois qui protègent plus particulièrement des droits fondamentaux. De même, selon le projet de loi, la Knesset pourra, à la majorité absolue, rétablir des lois annulées par la Cour suprême.
Le nouveau projet de loi a été vivement critiqué par certains juristes qui craignent qu’il ne porte atteinte aux droits fondamentaux protégés par les lois fondamentales. Le ministre de la Justice affirme quant à lui que ce projet de loi renforce la Cour suprême, en inscrivant dans la loi la capacité de la Cour à annuler des lois, tout en rendant sa prééminence à la Knesset. Le journal note que même s’il a été approuvé par le gouvernement, il est peu probable que le projet soit voté en première lecture par la Knesset actuelle et presque impossible qu’il soit approuvé en deuxième et troisième lecture. En effet, hier, cinq ministres du parti Kadima, dont les quatre candidats à la présidence du parti, ont voté contre le projet de loi.
Le débat au conseil des ministres s’est accompagné d’attaques personnelles du Premier ministre contre le président du parti travailliste, Ehud Barak, qu’il a qualifié notamment de « comploteur » et d’« insolent ». Ehud Olmert a accusé M. Barak d’être à l’origine de fuites dans la presse et de violer les accords de coalition. Auparavant, c’est le vice-premier ministre Haïm Ramon qui a accusé le parti travailliste d’avoir violé la règle de base de l’accord de coalition en décidant de destituer le Premier ministre et en votant contre le gouvernement dans lequel il siège. « Le parti travailliste ose encore parler de respect d’accords, il s’agit là du record du monde d’hypocrisie », a déclaré M. Ramon./.
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