8.9.08

Tensions Russie / Etats-Unis : Israël en paie les frais


Par Julien Bahloul
pour Guysen International News

Dans un contexte d’escalade verbale avec les Etats-Unis sur le dossier géorgien, la Russie vient d’annoncer son intention d’aider l’Iran dans son programme nucléaire. Annoncé par le Sunday Times, ce programme prévoit l’envoi d’experts nucléaires russes en Iran et la formation de scientifiques iraniens en Russie. Plus inquiétant, des armes russes auraient déjà été livrées à Téheran. Explications.

« La Russie a vendu des armes aux régimes syriens et iraniens. Certaines d’entre elles ont déjà été acheminées aux terroristes du Hezbollah et en Irak ».
Cette annonce inquiétante a été faite par Dick Cheney, Vice Président américain, samedi lors de sa rencontre avec le Président israélien Shimon Pérès en marge d’une conférence économique en Italie.

Il a ajouté que Moscou savait pertinemment qu’en vendant des armes à ces pays, elles arriveraient ensuite entre les mains des terroristes.

Cette fourniture d’armements est d’autant plus inquiétante que, comme le souligne le Président israélien : « l’Iran continue de terroriser la région au nom de l’intégrisme religieux » d’où la nécessité à ses yeux de « trouver une solution alternative au pétrole.
Car aujourd’hui, l’or noir est « le principal bailleur de fond du terrorisme international et de leaders extrémistes tels qu’Ahmadinedjad et Hugo Chavez ».

La décision russe, qui, il y a quelques mois semblait difficile à imaginer, n’est aujourd’hui que l’énième passe d’armes entre les Etats-Unis et la Russie depuis le début de la crise.

D’un côté ce qui ressemble à un bloc occidental composé des Américains, des Européens et d’Israël, de l’autre, confettis d’un empire soviétique déchu, la Russie, l’Iran voir la Chine, le Venezuela et la Syrie.

Comme un air de déjà vu, le Moyen-Orient redevient le théâtre d’une guerre froide pas vraiment terminée.
Cette situation extrêmement tendue est le fruit d’un enchainement rapide d’évènements.

L’histoire commence en août dernier. La Géorgie tente de rétablir depuis plusieurs jours sa souveraineté en Ossétie du sud, province géorgienne rebelle qui cherche à faire sécession.

En parallèle, la Pologne négocie depuis 15 mois avec les Etats-Unis l’installation d’un bouclier antimissile sur son territoire, au grand dam de Moscou.

Le 8 août, la Russie prétextant vouloir porter secours aux détenteurs de la nationalité russe en Ossétie du sud, envoie son armée. Sous ce motif et sans le dire réellement, elle entre en guerre contre la Géorgie.
Lorsque ses chars franchissent la frontière, la Russie viole le territoire géorgien, enfreint les règles internationales et déclare donc implicitement la guerre.

A partir de là, les évènements s’enchainent. L’accord entre les Etats-Unis et la Pologne est signé plus rapidement que prévu le 14 août. La Russie voit d’un très mauvais œil cette présence renforcée des Américains dans des Etats anciennement sous son contrôle.

Alors que la communauté internationale dénonce l’intervention russe et met tout en œuvre pour obtenir un retrait, l’UE et les Etats-Unis envoient des missions humanitaires.

Fin août, le président Medvedev reconnaît l’indépendance de l’Ossétie du sud. Décision immédiatement condamnée par les pays occidentaux. Il enfonce le clou en déclarant le 2 septembre ne plus reconnaître Saakachvili comme chef de l’Etat géorgien et le qualifie de « cadavre politique ».

Le 3 septembre, Dick Cheney entame une tournée de soutien à la Géorgie en Europe de l’est. En retour, Moscou accuse Washington d’entretenir l’instabilité.

Les Etats-Unis tentent de profiter de l’intervention russe et de la crainte qu’elle a suscitée dans les ex-Etats soviétiques pour gagner leur confiance. Le même jour Dick Cheney annonce un milliard de dollars d’aide à la Géorgie.

Le lendemain, lors de sa rencontre avec le Président géorgien, il accuse la Russie de vouloir « modifier les frontières par la force» et déclare que les Etats-Unis soutiennent et « veulent la Géorgie dans l’OTAN ».

Vendredi 5 septembre, en pleine crise politique, Dick Cheney arrive en Ukraine et appelle les dirigeants du pays à « s’unir face à la menace russe » car aux yeux de nombreux analystes, l’Ukraine pourrait-être la prochaine cible de la Russie.
Il propose de soutenir également la candidature ukrainienne à l’OTAN.

Ce week-end, l’arrivée en Mer noire d’un troisième navire de guerre américain, officiellement porteur d’aide humanitaire, fait monter la tension encore d’un cran.

Medvedev déclare : « Le réarmement du régime géorgien continue, y compris sous couvert d'assistance humanitaire. Ils ont envoyé toute une flotte pour fournir l'aide humanitaire. Je me demande comment ils (les Etats-Unis ndlr) réagiraient si nous envoyions de l'aide humanitaire en utilisant notre marine dans des pays des Caraïbes, qui ont été touchés par les récents ouragans ».

En réponse, Cheney depuis l’Italie affirme que « les forces russes ont alimenté et fomenté un conflit interne (...) tué des civils et provoqué l'exode de dizaines de milliers de personnes ».
La Russie avait prévenu qu’elle réagirait à l’arrivée de ce troisième navire. Interrogé sur la nature de cette réaction, le Premier ministre Poutine était resté vague : « Ce ne sera pas une réponse hystérique, mais une réponse viendra…Vous verrez ».

Et la réponse semble donc être l’armement des pays ennemis d’Israël, Etat protégé par les Etats-Unis. Dans une logique belliqueuse de base, où « l’ennemi de mon ennemi devient mon ami », Israël risque de payer les frais d’un conflit auquel il n’était pas réellement mêlé.

Certes, l’Etat hébreu était un important fournisseur d’armes de la Géorgie avant le conflit. Mais, au moins officiellement, les ventes avaient été stoppées au début des combats pour ne pas froisser Moscou.

Ce n’était visiblement pas assez pour Moscou qui offre à Téhéran une opportunité inespérée et à petit prix de faire avancer ses ambitions…