Ils marchaient dans la rue. Ils portaient kippa. Une bande de voyous les a choisis comme cibles, dans le XIXe arrondissement. De jeunes Français juifs ont été agressés. Mais de selon en conditionnels, les médias affichent une méfiance insultante.
Ils retiennent même sérieusement l’hypothèse du hasard. Ce n’est pas écrit ainsi. L’indifférence ou l’ennui poli ne s’expriment pas aussi directement.
« Selon le BNVCA, c'est ce qu'affirme... » Autant d'expressions qui inversent la suspicion. Dans les articles qui font référence à l'agression d'hier ou à des violences antérieures on retrouve la même réserve. Une inhabituelle prudence pour masquer l’incapacité à s’émouvoir… ou pire si affinités ?
Car ce n’est pas l’exigence de rigueur qui dicte la prudence. La rigueur s’est perdue en chemin. Les foules qui exprimaient leur émotion après l’attentant de la rue Copernic ou la profanation de Carpentras ont déserté les rues. L’impensable est devenu banal.
L’atroce mise à mort du jeune Ilan Halimi n’a pas rassemblé notre pays. La faculté de s’émouvoir s’est assoupie, comme la vigilance. Acceptation secrète ?
Des décennies plus tard, ce sont les victimes d’actes antisémites qui inspirent la réticence.
Aveuglement volontaire cherche arguments. Contacter la presse.
Orléans, mars 2005. La maison est "taguée". Le mal perdure.
Le fait est que les agresseurs semblent n’avoir pas prononcé d’insultes antisémites. Le fait est souligné à décharge dans plusieurs communiqués.
Ainsi, lorsque des criminels sont capables du rudiment d’intelligence qui les conduit à se taire en espérant éviter un chef d’inculpation, il faut en conclure que seul le hasard les a fait choisir des gens présentant toutes les caractéristiques du judaïsme pour les agresser sauvagement ?
Suivant cette logique, si les mêmes individus lapident une femme sans l’insulter, on ne saurait qualifier leur comportement de misogyne ? Car ces gens semblent aimer jeter des pierres et nul ne relève que le geste est inhabituel dans notre pays.
Un acte criminel doit-il s’accompagner d’un discours approprié pour être défini ? D’où vient cette étrange idée ? L’absence de vocabulaire de petites brutes fascisantes vient maintenant au secours des réserves journalistiques.
Si le doute doit avoir sa place au cours d’une enquête, lui donner délibérément une telle place n’est plus informer. C’est suggérer, orienter, imposer une interprétation.
En France, des femmes et des hommes sont régulièrement insultés, agressés, quelquefois tués parce qu’ils sont Juifs. Il ne sert à rien de dénoncer un passé criminel si c’est pour s’accommoder d’un présent inacceptable.
Ou alors c’est lui faire jouer un rôle abject : celui d’alibi moral. Ceux qui s’émeuvent des monstruosités de jadis ne sauraient être soupçonnés de complaisance au présent.
D’insultes en agressions, d’amalgames en soupçons, l’indifférence s’est installée. Contre elle, les pouvoirs publics ne peuvent rien. Complicité passive, mais hors champ. Ce n’est pas un délit. Elle tend à faire croire que seule la communauté juive est concernée et il y aurait beaucoup à dire d’un certain emploi du mot communautaire.
L’indifférence quasi générale, quels que soient les arguments dont elle se masque, facilite ces actes. Les rues sont désertes quand de jeunes Français juifs se font agresser. Les rues sont désertes quand la colère et la peine qu’inspirent de tels gestes devraient s’exprimer.
Ceux qui imaginent que l’antisémitisme ne concerne que les Juifs se trompent lourdement. L’antisémitisme touche les Juifs mais ce sont leurs agresseurs qui sont le symptôme de l'affection. Et la malade est notre société.
L’antisémitisme a toujours été le premier symptôme de la déliquescence d’une société. On commence par casser du Juif et on finit par imposer la prière quotidienne en défilant éventuellement au pas de l’oie à travers les pays limitrophes.
La maladie n’est pas toujours mortelle et l’évolution n’est pas inexorable.
Mais on n’a jamais soigné une maladie sans établir un diagnostic exact.
Aujourd’hui, dans le XIXe arrondissement de Paris, des bandes de loubards agressent des Juifs avec un sentiment d’impunité. C’est à partir de ce point que l’on peut, que l’on doit inverser la tendance.
Bernadette Capdevielle © Primo, dimanche 7 septembre 2008
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