8.12.08

Le djihadiste comme nazi, des attentats du 11 septembre 2001 à ceux de Bombay


B. Burston

Haaretz

Texte anglais original : "The Jihadi as Nazi, from 9/11 to Mumbai".

Comme on lui demandait s’il y avait des différences dans l’état des victimes de l’attentat, un autre médecin répondit : « C’est très étrange. J’ai vu beaucoup de cadavres dans ma vie, et pourtant [dans ce cas], j’ai été traumatisé. Un corps victime d’une explosion eût été déchiqueté et aurait pu constituer un spectacle très difficile à supporter. Mais les corps des victimes de ces attentats portaient de telles traces de violences infligées à des non-combattants, que je suis encore incapable d’exprimer ce que je ressens. »

Comme on le pressait de préciser s'il parlait de marques de torture, il a répondu : «Il était évident que la plupart des victimes décédées avaient été torturées. Ce qui m'a choqué, c’est que les traces corporelles des sévices indiquaient clairement que les otages avaient été exécutés de sang-froid.»

L'autre médecin, qui a également procédé à l’examen post-mortem, a déclaré: « De tous les cadavres, ce sont les victimes israéliennes qui portaient le plus de traces de torture. Il est évident qu’ils ont été ligotés et torturés avant d’être tués. C’était si affreux que je ne veux pas entrer dans les détails, ni même faire appel à mes souvenirs ».

(Compte-rendu de Krishnakumar P. et Vicky Nanjappa, à Bombay, cités sur Atlantic Online par Andrew Sullivan et Jeffrey Goldberg.)


***


Durant toute ma vie d’adulte, j’ai été agacé d’entendre mes collègues juifs accuser systématiquement et sans hésitation les anti-sionistes d'être antisémites, et assimiler les sentiments anti-israéliens à ceux des Nazis.

J’estimais que la seconde formule affaiblissait la mémoire de l’Holocauste, tandis que la première était une manière à peine peu plus élégante de demander au gens avec lesquels ils polémiquaient de la fermer.

Ce n’est que cette semaine que j’ai réalisé mon erreur.

Il s’avère que quand des Juifs soupçonnaient les Jihadistes de haïr les Juifs de la même manière que les nazis haïssaient les Juifs, ils avaient raison.

Après tout ce temps, je suis gêné d’admettre que c’est seulement quand les monstres sont entrés dans la Maison du mouvement Chabad de Bombay, que j’ai compris.

Des monstres, non seulement pour ce qu’ils ont fait là, mais aussi, si l’on en croit les comptes-rendus, pour le fait qu’ils ont été capables de faire ce qu’ils ont fait après avoir, en réalité, eu l’occasion de connaître le jeune couple fondateur du centre, après leur avoir demandé l’hospitalité dans le Foyer Chabad, après leur avoir dit qu’ils étaient des étudiants malais désireux d’étudier le judaïsme.

Des monstres, parce qu’ils étaient devenus les amis de ces gens charmants pour mieux savoir comment les exécuter. Des monstres parce qu’ils avaient ciblé un jeune couple qui avait voué sa vie à aider les autres à mieux vivre la leur, bien qu’ils aient perdu un bébé atteint d’une maladie génétique, et qu’un second enfant, malade, soit en traitement, très loin, en Israël.

Les monstres du Centre Chabad n’étaient pas nazis, puisqu’ils étaient musulmans. C’est précisément parce qu’ils ont si fidèlement imité les nazis, qu’ils ont, en fait, trahi l’islam.

La haine du jihadiste pour le Juif est telle que, à l’instar des nazis, le meurtre de Juifs, où qu’il puissent se trouver, est une obligation, au même titre que tout ennemi, cible, cause, mission, objectif ou croyance, qu’ils poursuivent à ce moment.

Leur haine du Juif est telle, que même si un Juif rejette l’idée d’un Etat d’Israël et est sincèrement opposé au sionisme, s’il est habillé en juif pratiquant, comme ce fut le cas de la victime Aryeh Leibish Teiteboim, il sera ligoté, torturé et mis à mort.

Plus question ici de géographie ou d’expérience personnelle. Le 11 septembre [2001], les jihadistes nous ont dit que les attentats constituaient en partie des représailles pour les actes barbares des Juifs. Dans le même souffle, ils ont dit au monde musulman que les Juifs étaient à l’origine des attentats.

« Les Juifs sont un virus analogue à celui du SIDA, dont soufre le monde entier », affirmait le Sheikh Ibrahim Mudeiris, dans un prêche diffusé par la télévision de l’Autorité Palestinienne, peu de temps avant qu’Israël se retire de Gaza, en 2005.

« Vous constaterez que les Juifs sont la cause de toutes les guerres civiles dans le monde.

Ce sont les Juifs qui ont poussé le Nazisme à faire la guerre au monde entier, quand les Juifs, à l’aide du mouvement sioniste ont obtenu que d’autres pays mènent une guerre économique contre l’Allemagne et boycottent les marchandises allemandes. Les Juifs sont la cause de toutes les souffrances des nations.

Ils commettent des actes pires que ceux que les Nazis ont commis à leur encontre. Oui, peut-être certains Juifs ont-ils été tués et d'autres brûlés, mais ils gonflent les chiffres pour emporter la faveur des médias et gagner la sympathie du monde. Les pires crimes de l'histoire ont été commis contre les Juifs, pourtant, ces crimes ne sont pas pires que ceux que commettent les Juifs en Palestine.

Autrefois, nous avons dominé le monde, et, par Allah, le jour viendra où nous dominerons à nouveau le monde entier. Le jour viendra où nous dominerons l'Amérique. Le jour viendra où nous dominerons la Grande-Bretagne et le monde entier - à l'exception des Juifs. Les Juifs ne jouiront pas de la tranquillité sous notre domination, parce que ce sont des traîtres par nature, comme ils l'ont été tout au long de l'histoire. Le jour viendra où tout [le monde] sera débarrassé des Juifs, même les pierres et les arbres qui ont subi leurs méfaits. Ecoutez le prophète Muhammad qui vous annonce la fin terrible qui attend les Juifs : Les pierres et les arbres voudront que les Musulmans en finissent avec chaque Juif. »



Tandis que j’attendais, durant des heures, puis des jours, un mot sur le sort de Gabi et Rivki Holtzberg, je tombai sur les mémoires de la poignée de survivants d’une communauté juive, aujourd’hui disparue, des environs de Bialystok, en Pologne, où l’oncle de mon père, Herschel Cinowitz, avait vu le jour.

En 1941, quand il était jeune homme, il échappa aux nazis en allant se réfugier à Bombay, appelée plus tard Mumbaï.

Voici la première chose que j’ai apprise : Il n’est pas nécessaire d’être Allemand pour être nazi. Les SS ont pris le contrôle de Yedwabné, la petite ville de Herschel Cinowitz, mais les habitants du lieu n’étaient que trop heureux de faire le travail pour eux.

« Au milieu de la place du marché, il y avait une statue de Lénine », rappelait un survivant. « Les goyim forcèrent le vieux Rabbi a porter la statue et à réciter : "Nous, les Juifs, sommes responsables de la guerre et voulons que la guerre continue". Ensuite ils donnèrent l’ordre d’enterrer la statue dans le cimetière. »

Quarante des Juifs de Yedwabné furent contraints de creuser des tombes, puis y furent enterrés vivants. Les autres, 1 440 en tout, furent emmenés dans une vaste grange où ils furent brûlés vifs.

Il me vient à l’esprit que ce n’est pas un hasard si les officiers de la SS portaient des têtes de mort en argent sur leurs casquettes et sur les revers de leur veste, en signe de leur amour pour la mort.

Le jihadiste montre son amour de manière différente. Il prend plaisir à citer ces paroles du général musulman du VIe siècle, Khalid ibn al-Walid, qui mettait en garde, en ces termes, l’empereur de Perse, s’il ne se soumettait pas à l’autorité musulmane : « Vous serez conquis de force par des hommes qui aiment la mort plus que vous aimez la vie ». Il prend plaisir à déconsidérer les Juifs comme faibles en raison de leur amour de la vie, qui est, à ses yeux, l’équivalent de la lâcheté.

Un Juif qui, comme l’affirme un récit, n’était ni sioniste ni pratiquant, cita un jour un verset des Ecritures hindoues qui pourrait nous aider à comprendre l’œuvre du jihadiste :

« A présent je suis devenu la Mort, le destructeur de mondes. »

Les musulmans du monde entier ont reconnu que le jihadiste est une terrible menace pour l’islam. Le monde a vu que le jihadiste, en haïssant le Juif, le chrétien, l’hindou, et le musulman d’un autre courant, est devenu, comme le nazi, l’ennemi de tous les peuples en tout lieu.

Le jihadiste montre son amour de la mort par la brutalité, les exécutions sadiques, par le calme, sûr de sa justice, de meurtrier de masse avec préméditation, et en imputant la responsabilité de son crime à sa victime.

L’une des leçons de l’Holocauste est qu’on ne peut pas se permettre d’ignorer les signes et les intentions.

L’oncle de mon père les a aperçus à temps. A l’époque, Mumbaï fut son salut.

Je le vois seulement maintenant.



Bradley Burston



© Haaretz



[Texte anglais aimablement signalé par Catherine Leuchter, Chargée d’Information à l’Ambassade d’Israël en France.]





Mis en ligne le 8 décembre 2008, par M. Macina, sur le site upjf.org