13.7.08

LA GUERRE DES REPRESENTATIONS

Les représentations géopolitiques sont des perceptions collectives (politiques, religieuses ou autres) déployées pour mobiliser les groupes antagonistes. Leur but est d'émouvoir, de légitimer son camp; de justifier sa violence; puis inversement de délégitimer l’Autre, le diaboliser, le discréditer...

Les plus mortelles sont les représentations identitaires, (« conflits d’antériorité »). Faisant appel aux mythes essentiels, aux religions, à l’Histoire fondatrice, aux attachements ontologiques et aux intérêts nationaux vitaux. Les représentations géopolitiques ou politiques sont de véritables armes de destruction de masse (ADM).
La guerre des représentations à proprement parler, ou guerre non militaire, mentale, représentative, visant à gagner la paix, inhiber l’ennemi, discréditer l’adversaire pour mieux remporter le combat, s’attaque :

- aux valeurs fondamentales, au cœur du système de légitimité de l’Ennemi, de l’Adversaire ou du concurrent économique majeur, donc au moral des troupes adverses.
- au noyau dur immunitaire de l’autre, dans le but de lui faire « perdre le nord » et brouiller, voire renverser ses repères. Comment ? En détruisant les capacités de défense de l’Adversaire, en retournant contre lui ses Valeurs et sa Mémoire, en imposant des « cartes mentales » (langage, cartes, images) diabolisantes, culpabilisatrices, délégitimantes. Bref, en inoculant un virus neuro-linguistique, psychologique, idéologique ou affectif.

Les Cartes géopolitiques sont d’abord des cartes mentales, des Représentations. Certes, « La Carte n’est pas le Territoire ». Mais les représentations fausses on toujours plus semblé réelles aux hommes que les réalités brutes les démentant. Les Cartes formatent les esprits des stratèges eux-mêmes et peut parfois les aveugler : d’où les erreurs américaines et occidentalo-européennes actuelles visant à continuer à raisonner en termes de Guerre froide et en continuant l’encerclement de la Russie, ce qui pousse Moscou à se rapprocher, par volonté de revanche-nuisance, des ennemis islamistes de l’Occident, et des Rogues States de tout poil. Comme l’Etoile morte il y a des centaines de Millions d’années mais dont on admire les rayons lumineux actuels, perçus encore aujourd’hui par nous, les représentations fonctionnent comme des formatges et des rayonnements posthumes, lorsqu'elles nient le réel en mouvement et deviennent des "stéréotypes persistants".



La Logomachie

Parce que notre cerveau ou plutôt notre psychisme ne distingue pas entre virtuel et réel, carte et territoire, représentation et réalité factuelle, la Guerre par les Mots ou logomachie, constitue le cœur de la Guerre des représentations. Par allusion à la défense contre-aérienne. La DCR 2 consiste en la Destruction des Représentations Concurrentes ou ennemies : Elle repose sur quatre processus ou armes de destruction de l’Autre :

- D comme Diaboliser (Lénine, Trotski)
- C comme Culpabiliser (Roger Muchielli)
- R comme Ridiculiser (Sun Tzu)
- R comme Renverser, Retourner (Aron Upinsky)

La Variante moderne la plus efficace et la plus usitée par Matrix et Diamant vertueux de DCR repose sur ce que le grand philosophe juif-allemand Léo Strauss avait dénoncé sous l’expression de « Reductio ad Hitlerum ». "Nazifier-les, il en restera toujours quelque chose"... (y compris les anti-nazis): l’on se souvient de De Gaulle nazifié par ses adversaires communistes et socialistes, puis accusé de « coup d’Etat permanent », de « fascisme ». On se souvient également des Soixantehuitards hurlant "CRS/SS", ou encore le philosophe Foucault, admirateur de Khomeini, assimilant la Nation à une forme oméopathoiquement présente de nazisme, etc.
La Reductio ad Hitlerum, également perçue par Robert Conquest et Orwell, revenu fort déçu de la Guerre d’Espagne, consiste à créer puis entretenir des Stéréotypes persistants et diabolisants (SMPD) : « Sarko facho », droite libérale « anti-pauvres », Israël-Amérique « impérialistes-racistes anti-Arabes » ; France « raciste » ; « Islamisation de l’Andalousie : Age d’Or de l’Espagne » ; « Homme blanc » mauvais », « tiersmonde bon par essence », etc

De la Guerre des Mots à la Guerre des Images

Les Images/photos sont vendues chaque jour dans les bourses d’images par les agences en fonction de « thèmes dominants ». L’acheteur lui donne la signification qui correspond le plus à la « demande » et à l’impératif « sensationnel » en vogue. Le photographe initial est « innocent » et déresponsabilisé (il ne signe pas les photos vendues). Mais le territoire livré par lui (photo « réelle originelle), ne sera commercialisé et adopté que s'il correspond à la carte mentale et au stéréotype persistant. A l’épidémie sémantique ayant virussé Matrix et les producteurs de Bien Pensance puis surtout leurs relais inconscients et souvent involontaires, comme les victimes de la Pub : les journalistes, nous, vous, moi, etc.

D’après Bruno Lussato, la Désinformation est l’altération volontaire du processus de communication entre l’information originale et sa réception déformée, par la représentation, la projection qui en est faite dans notre psychisme. D’après Vladimir Volkoff, la Désinformation est plus cadrée : elle est une « Manipulation de l’Opinion Publique (sinon Intox) ; Par des Moyens détournés (sinon propagande), à des Fins Politiques externes ou internes (sinon pub).
L'information originale (événement, objet, création mentale, oeuvre d'art ou technique) c'est le territoire. La désinformation fausse le processus de communication - représentation. Elle rend la carte (représentation) distincte du territoire (réel). Lussato rejoint en partie Volkoff lorsqu’il explique que « La distorsion du message obéit à une logique, un but défini. Il n’y a donc pas de désinformation lors de pertes accidentelles ». Puis dans le constat selon lequel « Nous sommes les premiers désinformateurs-désinformés ». Le processus plus ou moins conscient d'altération des messages a été étudié par Festinger. (Théorie de la Dissonance cognitive). Ici, « la distorsion a pour but de réduire la dissonance entre des faits, des informations et un modèle implanté dans l’inconscient, qui peut être individuel, lié à des désirs et peurs, mais il obéit souvent à des schémas collectifs, des croyances, des "noeuds sémantiques" qui déforment notre perception, comme un aimant, un spectre magnétique. »

En conclusion, on peut dire et répéter que, de même qu’il n’y pas de culpabilisation sans culpabilisé, de dominants sans dominés, il n’y a pas de Manipulateurs ou de Manipulation sans Manipulés plus ou moins volontaires ou passifs ou en tout cas ayant pris goût et habitude au confort de la consommation informationnelle. Mais surtout, nos cartes mentales intériorisées et ancrées, nos représentations persistantes, les nœuds sémantiques qui régissent nos systèmes de représentations, sont les Premiers désinformateurs, le rouage essentiel sans lesquels les Manipulateurs ne pourraient pas agir. En fait, leur pouvoir est essentiellement dû à notre inclinaison à PERSISTER dans l’erreur dès lors que notre représentation apparaît contredite par un démenti de réalité.

Alexandre Del Valle

pour blog.alexandredelvalle.com