De notre correspondant à Berlin Pierre Bocev
IN LE FIGARO
Arrivé mercredi à Puerto Montt, dans le sud du Chili, pour tenter de retrouver Aribert Heim, le directeur du Centre Simon-Wiesenthal,Ephraïm Zuroff présente, lors d'une conférence de presse, l'avis de recherche concernant le criminel nazi.
Les «chasseurs de nazis» du Centre Wiesenthal essaient d'entrer en contact avec sa fille.
La traque d'Aribert Heim, le «Docteur La Mort» de Mauthausen, connaît un nouveau soubresaut. Cette fois-ci, les regards se focalisent sur le sud du Chili, où le Centre Simon-Wiesenthal essaie d'entrer en contact avec Waltraud, la fille illégitime du criminel nazi. Ephraïm Zuroff, le directeur du Centre, est arrivé à Puerto Montt, un port chilien où des Allemands sont installés depuis un siècle et demi et qui pourrait servir de refuge à une colonie d'anciens nazis. «Nous avons reçu des informations potentiellement importantes de deux sources différentes», a-t-il déclaré à l'agence Reuters. Cité par l'AFP, son collaborateur Sergio Widder a fait état de «données solides, crédibles, mais qu'il faut vérifier».
Ce n'est pas la première fois que des enquêteurs se croient sur la piste d'Aribert Heim. Accusé de centaines de meurtres de prisonniers de camps de concentration, Aribert Heim vit depuis 1962 dans la clandestinité. On a cru retrouver sa trace aux États-Unis, en Égypte, en Espagne, aux confins du Paraguay et de l'Argentine.
Plusieurs centaines de morts
Chaque fois, la piste s'est révélée trop ténue pour appréhender le médecin bourreau qui, s'il est effectivement encore en vie, vient de fêter ses 94 ans. Il ne doit pourtant pas passer inaperçu, avec sa stature de 1,80 mètre, sa pointure 47 et, surtout, la cicatrice en forme de V à la commissure des lèvres. La dernière photo de lui date de 1959, il y porte smoking et nœud papillon. Elle a été retouchée sur ordinateur pour faciliter les recherches.
Né le 28 juin 1914 à Bad Radkersburg, en Autriche, Heim fait ses études de médecine à Graz et à Vienne où il adhère au Parti nazi dès 1935, quand la NSDAP est encore interdite. Au lendemain de l'Anschluss, il rejoint la Waffen-SS, qui envoie le jeune médecin à Sachsenhausen, Buchenwald et enfin Mauthausen. Il y sévit du 8 octobre au 29 novembre 1941, et laisse plusieurs centaines de morts dans son sillage. Par curiosité et ennui, mais aussi par sadisme, il injecte à ses victimes des cocktails mortels, directement dans le cœur, pour trouver, montre en main, la méthode la plus rapide et la plus économique. Une fois, précise l'acte d'accusation allemand, il a «ouvert le ventre sur toute la longueur pour prélever les intestins, le foie et la rate » d'un prisonnier vivant. Arrêté par les Américains en 1945, il réussit à cacher son passé et est libéré deux ans plus tard. Le voilà à nouveau médecin, bientôt à la tête d'un cabinet de gynécologie à Baden-Baden, où naissent ses deux fils légitimes, alors que Waltraud, 64 ans, est d'un autre lit. Ses enfants affirment qu'il est mort d'un cancer il y a longtemps déjà. Mais il y a l'histoire du compte en banque à Berlin où dort un bon million d'euros. L'héritage leur serait versé s'ils présentaient un acte de décès. C'est un des indices qui nourrit l'espoir d'Ephraïm Zuroff de le retrouver vivant.
.
.