30.7.08

PAROLES DE TERRORISTES

Ruthie Blum
THE JERUSALEM POST

Pour Aaron Klein, auteur du livre "Discuter avec des Terroristes" (Schmoozing with Terrorists), le mobile des attentats suicides repose sur le djihad mondial et non sur la pauvreté ou l’occupation, comme le proclament les médias occidentaux. "S’il y a bien une chose que les terroristes n’aiment pas, c’est d’être qualifiés de terroristes", explique Aaron Klein. C’est pourquoi les protagonistes de son enquête n’ont pas apprécié le titre de son ouvrage.

Ils lui préfèrent le terme "djihadiste" : "Quand ils m’ont reproché l’utilisation du mot ’terroriste’, je leur ai répondu que c’est ainsi qu’on appelait une personne qui s’en prend violemment à des civils."

Pour le rédacteur en chef du site Internet WorldNetDaily.com à Jérusalem, cette simple nuance de vocabulaire est fondamentale pour ceux qui se donnent comme devoir religieux de propager l’Islam dans le monde entier. Par n’importe quel moyen.

Il est très surprenant que des terroristes issus des principales organisations palestiniennes aient consenti à parler à Aaron Klein, "sympathique Juif" de 28 ans, originaire de Philadelphie.

Encore plus improbable est le fait qu’ils restent en contact avec lui après avoir lu ses écrits.

Pour l’écrivain, n’importe quel journaliste qui souhaite interviewer des chefs terroristes "n’a qu’à prendre son téléphone". Fiers de leur mission, ces derniers sont ravis de se faire de la publicité.

Ce qui mène à la question suivante : pourquoi leur fournir une telle plate-forme ? D’après Klein, l’Occident en général et les médias en particulier ont tendance à minimiser ou à ignorer la réalité de l’Islam radical.

Il est donc nécessaire d’"éduquer les gens sur ce qu’est la guerre contre le terrorisme" en leur apportant un aperçu de l’état d’esprit des auteurs d’attentats suicides ainsi que celui de leurs recruteurs. Tel a été l’objectif d’Aaron Klein dans une interview accordée au Jerusalem Post, le mois dernier.

Jerusalem Post : Quelles sont les motivations des terroristes ?

Aaron Klein : Beaucoup pensent que le terrorisme est motivé par une question de territoires. Par exemple pour le Hezbollah, il s’agit de récupérer les fermes de Sheba. D’autres en revanche sont persuadés que l’objectif du Hamas, du Djihad islamique et d’autres groupes terroristes palestiniens se réduit à la destruction de l’Etat l’Israël.

Ou encore, pour Al-Qaïda : l’expulsion des Américains du Moyen-Orient. Mais au vu de mes entretiens, les terroristes agissent avant tout pour servir Allah et répandre l’Islam dans le monde. Telle est leur principale motivation.

J.P. : On dit souvent que les terroristes passent à l’action par désespoir, parce qu’ils vivent dans la pauvreté ou encore par déficience mentale. Ces explications sont-elle vraies ?

A.K. : C’est l’impression qui ressort, en effet, lorsque vous regardez CNN ou que vous lisez le New York Times. Après chaque attentat en Israël, les médias s’attachent à montrer la face humaine du terroriste.

Ce dernier est pauvre et souffre de l’occupation israélienne. Alors que dans l’histoire de la civilisation moderne, aucun autre peuple vivant sous occupation n’a jamais pensé à se faire exploser.

Il y a un an et demi, j’ai rencontré un Palestinien de 22 ans choisi par le Djihad islamique pour commettre un attentat-suicide.

J’ai aussi discuté avec son recruteur à Djénine. Je leur ai spécifiquement demandé s’ils agissaient à cause de la pauvreté ou par désespoir. Ils ont été très offensés par ma question.

Ils m’ont répondu que c’était de la propagande sioniste. Le suicide est interdit dans l’Islam. Se faire exploser au milieu d’hommes, de femmes et d’enfants innocents n’est donc pas un suicide.

C’est le djihad au nom d’Allah. Non seulement c’est permis, mais c’est leur credo.

J.P. : Les terroristes croient-ils réellement qu’ils iront au paradis ?

A.K. : Oui, les poseurs de bombes croient profondément qu’ils accéderont au paradis où ils seront entourés par 72 vierges aux yeux noirs.

Cette histoire est très intéressante car elle n’apparaît pas dans le Coran. Le livre décrit le paradis des martyrs avec des vierges et des jeunes filles à la poitrine généreuse, mais le nombre 72 n’y figure pas.

Il apparaît plus tardivement, dans les Hadith [la tradition orale]. Voici une anecdote. Je devais interviewer à Naplouse les chefs des Brigades des martyrs d’Al-Aksa et j’ai amené avec moi un journaliste de la radio américaine, Rusty Humphries.

Il a insisté pour qu’ils nous montrent où se trouvait le passage des 72 vierges dans le Coran. Ils se sont mis à feuilleter les pages, en citant toutes sortes de versets qui n’avaient aucun rapport avec le sujet.

Ils ont fini par admettre que le passage ne s’y trouvait pas. Mais ils n’ont pas aimé le fait d’être mis à l’épreuve et m’ont demandé de ne plus ramener Humphries. Cette anecdote révèle bien qu’il n’y a aucune justification au terrorisme.

Leur argumentation est tellement facile à démonter. Mais la plupart des médias se contentent de recevoir les réponses des terroristes et passent à la question suivante sans les mettre à l’épreuve.

Une autre chose est importante à souligner. A chaque fois que je rencontre des terroristes, ils sont toujours entourés de femmes et d’enfants. Ils me répètent à quel point ils sont courageux et n’ont pas peur des sionistes israéliens.

J.P. : Est-ce parce qu’ils savent que les Israéliens veulent éviter de tuer les femmes et les enfants ?

A.K. : Absolument.

J.P : Ce sont eux qui le disent ou est-ce votre interprétation ?

A.K : Quand je le leur demande, ils ne le veulent pas le reconnaître. Mais pour moi ce n’est pas le problème. Le plus grave, c’est que les journalistes refusent de l’admettre.

A chaque opération antiterroriste israélienne où des civils arabes sont tués, les médias font immédiatement une équivalence morale et mettent au même niveau la partie qui essaie de réduire au minimum les pertes humaines civiles et celle qui tente de les maximiser.

J.P. : En interviewant des terroristes, votre objectif est ainsi d’ouvrir les yeux de l’Occident sur ce qu’ils préparent ? A.K. : En effet. Je constate que les terroristes sont très fiers de leurs actions et de leur idéologie, contrairement à ce que les médias disent. Discutez avec n’importe lequel d’entre eux, il vous dira très ouvertement que la destruction d’Israël n’est qu’un tremplin pour réaliser l’objectif suprême : répandre l’Islam à travers le monde. En réalité, je préfère m’entretenir avec des terroristes qu’avec des politiciens car quand je leur demande pourquoi ils se font exploser, ils me donnent toujours une réponse franche.

J.P. : Comment se fait-il qu’ils acceptent de vous parler alors que votre but est de les contrecarrer ?


A.K. : Ils pensent que je leur fais une faveur en leur donnant la possibilité de s’expliquer. Je n’analyse pas ce qu’ils disent, je les cite et ils en sont très reconnaissants.

J.P. : Vous dites que vous leur faites une faveur. Dans quel sens ? En diffusant leur message à ceux qui partagent leur opinion ? A.K. : Je ne pense pas leur faire une faveur. Ils veulent diffuser leur idéologie et ils croient peut-être que le meilleur moyen d’y parvenir est de parler ouvertement. De mon côté, j’essaie d’instruire sur ce qu’est réellement la guerre contre le terrorisme.

Souvent, nous encourageons les terroristes sans même nous en rendre compte, à travers la politique de désengagement, le dialogue et les négociations. Car les terroristes le reconnaissent ouvertement : si vous évacuez un territoire, ils l’utiliseront pour préparer de nouvelles attaques dans le but de vous supprimer.

Si vous signez un cessez-le-feu avec eux, ils ne le respecteront pas. Dans le Coran, ils appellent cela une "houdna" : la trêve que Mahomet a signée sur le chemin de la conquête de la Mecque. Et il l’a violée plus tard. Pour eux, un cessez-le-feu est l’opportunité de se regrouper, de se préparer en vue de détruire définitivement l’ennemi.

J.P. : Vous répétez sans cesse que leur but suprême est le djihad mondial. Mais il y a tellement de groupes différents qui s’opposent. Peut-on vraiment mettre les sunnites et les chiites ou le Fatah et le Hamas dans le même sac ?

A.K. : Sur le terrain, de nombreuses factions différentes rivalisent pour s’emparer du pouvoir. Mais quand il s’agit de combattre l’ennemi, ils sont tous unis.

J.P. : Avez-vous entendu des terroristes soutenir le président iranien Mahmoud Ahmadinejad ?

A.K. : Absolument. Les terroristes palestiniens admirent tous ceux qui menacent de détruire Israël. Et si vous les payez suffisamment, ils seront de votre côté.

L’Iran finance généreusement, non seulement le Hamas, mais aussi les Brigades des martyrs d’Al-Aksa attachées au Fatah. Ces groupes se coordonnent régulièrement avec le Hezbollah, qui comme chacun sait est soutenu par l’Iran et la Syrie.

J.P. : Les détracteurs du désengagement expliquaient en 2005 qu’Israël abandonnait un territoire à un Etat soutenu par Al-Qaïda. Aujourd’hui, vous pensez, comme d’autres journalistes, qu’il est au service de l’Iran. Qu’en est-il ?

A.K. : Quelle est la différence s’ils se battent tous pour la même chose ? Al-Qaïda est sans aucun doute idéologiquement présent à Gaza et entretient des liens avec le Hamas.

Mais à l’heure actuelle, il n’y a pas une grande distinction entre les objectifs du Hamas et les terroristes soutenus par l’Iran. Ils combattent les mêmes ennemis, l’Amérique et son suppôt, Israël.

J.P. : Aviez-vous abordé avec eux les enlèvements des soldats Gilad Shalit, Ehoud Goldwasser et Eldad Réguev ? A.K. : Oui. Ils sont très fiers de ces enlèvements car ils ont bien compris que pour tout Israélien, il est impensable d’abandonner un de ses soldats. Ainsi, pour les récupérer, le gouvernement est obligé de relâcher des prisonniers palestiniens ou de signer un cessez-le-feu. Pour eux, chaque libération prouve que la technique de l’enlèvement est la bonne.

J.P. : Quel est le niveau d’information des terroristes que vous avez rencontré sur la politique américaine et israélienne ?

A.K. : Certains sont très bien informés, surtout à propos de la politique israélienne.

Lorsqu’il a été question des problèmes de santé du Premier ministre Ehoud Olmert, j’ai reçu deux appels téléphoniques des chefs des martyrs d’Al-Aksa. Ils voulaient s’assurer qu’il allait bien, être sûrs qu’il resterait au pouvoir.

J.P. : Pourquoi ?

A.K. : Parce qu’ils préfèrent un gouvernement Kadima qu’un autre dirigé par le Likoud. Olmert est plus accommodant. Son programme électoral se fondait sur le retrait de la Judée-Samarie. Les terroristes adorent cela, parce que pour eux un retrait signifie davantage de territoires pour s’attaquer à Israël.

Sur la politique américaine, ils comprennent la différence entre les démocrates et les républicains, mais leurs connaissances sont très limitées sur les différences des candidats à la présidence.

Ils considèrent tous les Américains comme des infidèles. Néanmoins, ils soutiendront n’importe quel parti politique américain qui pourrait les aider à réaliser leurs objectifs à court terme.

Actuellement, les terroristes préfèrent les démocrates car ils sont plus favorables au retrait des troupes d’Irak. Par ailleurs, Barack Obama envisage un dialogue avec le président iranien.

Au mois d’avril, j’ai fait une interview d’Ahmad Youssouf, le conseiller politique du Hamas à Gaza. Il a approuvé la candidature du sénateur de l’Illinois en le comparant à John F. Kennedy.

J.P. : Vous soutenez alors que ces terroristes veulent négocier ? Vous prétendez qu’ils considèrent les Américains comme des infidèles et en même temps qu’Ahmad Youssouf compare Obama à Kennedy.

A.K. : Ils soutiennent les négociations avec l’Occident, parce qu’ils les considèrent comme un signe de faiblesse, comme la preuve qu’ils peuvent mettre cette partie du monde à genou.

J.P. : Mentionnent-ils des événements spécifiques pour illustrer qu’ils "mettent l’Occident à genou" ? A.K. : Il y a quelques semaines, les Brigades des martyrs d’Al-Aksa et le Djihad islamique ont essayé d’attaquer le passage d’Erez et ont échoué. La réponse d’Olmert a été d’ordonner le repli des troupes de Tsahal à l’intérieur d’Israël.

Immédiatement après, j’ai interviewé un porte-parole du Comité de résistance populaire. Il a prétendu que c’était le signe d’une débâcle israélienne et a comparé le retrait d’Erez aux retraits de Gaza, du Liban et au fait de concéder la Judée-Samarie aux Palestiniens.

J.P. : Pourquoi acceptent-ils de vous parler, à vous, un Juif ?


A.K. : C’est incroyable que je puisse téléphoner aux chefs d’organisations terroristes et leur demander où ils se trouvent, alors que Tsahal n’arrive pas à les éliminer. Mais je ne suis pas le seul. N’importe quel journaliste peut le faire.

Je vous garantis que si vous les appelez en disant que vous êtes du Jerusalem Post, ils accepteront de parler avec vous. Tous les journalistes qui veulent interviewer un terroriste palestinien constateront qu’il n’y a rien de plus facile.

J.P. : Devez-vous prétendre que vous êtes de leur côté quand vous discutez avec eux ?

A.K. : Non. Et c’est pourquoi ils me respectent un peu. De la même manière que je les considère comme des éléments exotiques en tant qu’ennemis et dangereux terroristes, ils me voient aussi comme un Juif avec qui discuter.

Et ils savourent l’occasion d’opposer les deux religions, l’islam et le judaïsme. Ils sont autant fascinés par moi qui suis juif, que je le suis par eux parce qu’ils sont terroristes. Ils disent aussi qu’ils n’ont rien contre les Juifs mais contre les occupants.

C’est un gros mensonge. Il n’y a qu’à voir les médias palestiniens qui débordent d’une propagande antijuive proche du nazisme.

Les Juifs y sont dépeints comme des porcs et des singes. De nombreux Palestiniens ont une idée totalement fausse des Juifs et croient qu’ils sont la cause de tous les maux.

J.P. : Comment les terroristes du Fatah parlent-ils du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (Abou Mazen) ?

A.K. : Ils répètent qu’Abbas est leur leader et qu’il soutient chacune de leurs attaques. Ils ne donnent aucune information sur ceux qui les orchestrent mais assurent qu’elles ne sont pas en contradiction avec la ligne du Fatah.

Autrement dit, les Brigades des martyrs d’Al-Aksa ne sont pas une simple ramification du Fatah. Elles dirigent les forces de sécurité du Fatah.

J.P. : Comment les terroristes que vous avez interviewés considèrent-ils l’avenir de la région ?

A.K. : Ils sont persuadés qu’ils vont gagner et qu’ils finiront par détruire Israël. Quand je leur demande comment ils peuvent le croire alors que l’Etat juif possède l’armée la plus puissante du Moyen-Orient, ils avancent comme preuve la défaite d’Israël contre le Hezbollah en 2006.

J.P. : Ne se rendent-ils pas compte qu’Israël est une société prospère, moderne, qui n’arrête pas de se développer et qui, par conséquent, ne peut être détruit aussi facilement ?

A.K. : Ils savent que les Juifs sont travailleurs mais pour eux, Israël est sur le déclin. Ils ne s’intéressent pas vraiment au développement de l’industrie high-tech tant qu’ils peuvent lancer des roquettes dans le secteur où elle se situe.

Ils croient vraiment que les missiles vont survoler l’autoroute entre Jérusalem et Tel-Aviv dans un avenir proche.

J.P. : Comment envisagent-ils leur propre société s’ils parvenaient à détruire Israël et les Etats-Unis ? A.K. : Ils n’ont aucun plan en dehors du djihad. Regardez, il y a un million et demi d’Arabes à Gaza - certains disent qu’ils sont pris au piège là-bas. Pouvez-vous imaginer ce qui se passerait s’il y avait un million et demi de Juifs là-bas ?

Ils édifieraient un nouveau Singapour. Quand je demande aux terroristes pourquoi ils n’ont rien construit à Gaza, ils me répondent qu’ils ne peuvent rien entreprendre avant d’avoir récupéré la totalité de leur terre. Ils ne semblent pas avoir de projet à long terme en dehors de celui-là.