27.3.09

Ces 222 bandes qui défient la loi dans les banlieues



Christophe Cornevin


Selon un rapport confidentiel, ces groupes, structurés ou informels, rassemblent près de 2 500 individus.

Alors que la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, veut créer un fichier des bandes violentes, un rapport de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) dresse un bilan édifiant. Intitulé «Phénomène de bandes, état des lieux», ce document de 30 pages établi par la sous-direction de l'information générale (SDIG, ex-RG) est un modèle du genre. D'abord parce qu'il est la synthèse d'informations puisées du terrain, département par département, quartier par quartier. Cette moisson de renseignements, menée de septembre à décembre dernier, a été mise à jour au début du mois. L'instantané est saisissant : pas moins de 2 453 individus composent les noyaux durs des 222 bandes recensées. Seulement 21 % d'entre elles sont enracinées en province, où la campagne demeure encore épargnée. Les 79 % restants prospèrent dans les cités sensibles de la région parisienne, et notamment dans l'Essonne et la Seine-Saint-Denis.

Pa s plus de 50 personnes

S'inspirant de leurs homologues canadiens et belges, très en pointe dans le domaine, les enquêteurs de l'Information générale considèrent qu'«une bande est composée d'un noyau stable d'au moins trois personnes, souvent de jeunes adolescents et de jeunes adultes, autour duquel gravitent occasionnellement des individus de passage.» «À la différence des États-Unis, où des gangs comme le MS 13 revendiquent plus de 50 000 membres versés dans les stups ou le racket, les bandes françaises les plus structurées ne dépassent guère les 50 personnes», confie le commissaire divisionnaire Maria-Julia Aranda, chef de la division Dérives urbaines à la DCSP.

Pas toujours criminalisés, quasiment jamais cimentés par une appartenance ethnique contrairement à certaines idées reçues, les groupes violents se manifestent dans l'Hexagone par leur attachement quasi grégaire à un «territoire». Comme dit une expression en vogue en banlieue, «on rouille au pied du même immeuble, cela crée des liens…». À 98 %, les bandes abritent des garçons qui, dans 53 % des cas, «zonent» toute la journée faute d'être à l'école ou au travail.

Le rapport classe 56 % des bandes identifiées comme étant «informelles» : c'est-à-dire «sans leader désigné, extrêmement liées à leur quartier qui prime sur tout, composé des jeunes ayant en moyenne 20 ans et squattant dans les entrées d'immeubles, la voie publique, le métro ou encore la restauration rapide.»

Bien davantage enfouies, installant leur «tombé» (c'est-à-dire leur «planque» en argot) dans les sous-sols des HLM ou dans des appartements désaffectés, les 44 % d'organisations dites «structurées» s'articulent autour d'un caïd et de lieutenants âgés de 20 à 30 ans, souvent violents. «Reproduisant des schémas vus à la télévision, ils s'unissent selon les mêmes codes, les mêmes tags, portent tous un bijou spécifique ou une griffe d'appartenance frappés sur leur T-shirt ou leur pantalon», constate le commissaire Aranda.

Sur certains hébergeurs de sites, ces adeptes d'Internet créent des blogs en série, à l'image des «Grigny Hot Boys» ou des «Raskal» de la «Berry mafia» de Meaux. Fanfarons, ils y adressent vidéos ahurissantes et des diaporamas faisant étalage de leurs «exploits». Hargneux, ils y provoquent en duel des bandes rivales via des messages insultants. Sans raison apparente, le gant est relevé et un rendez-vous fixé en «terrain neutre». La sécurité publique révèle qu'une vingtaine d'affrontements entre bandes éclatent ainsi chaque mois en France. Si une rue ou une place sert de théâtre aux pugilats dans 60 % des cas, les bandes se battent aussi dans les gares (15 %) ou aux abords des gares et des établissements scolaires (25 %). Paris intra-muros, où 37 affrontements avaient été recensés en 2007 par le parquet, semble épargné. Pour affiner l'analyse, la Direction du renseignement de la Préfecture de police a mis en place à l'échelon régional une nouvelle cellule d'analyse et de recoupement du phénomène. Selon nos informations, les forces de l'ordre ont interpellé entre septembre et février dernier quelque 796 individus lors d'affrontements entre bandes. Soit plus de cent délinquants de cité par mois.


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