13.3.09
Les erreurs du Vatican
Par Guy Senbel
pour Guysen International News
Cette semaine, nous souhaiterions attirer l’attention de nos lecteurs sur la levée de l’excommunication de Mgr Richard Williamson et les erreurs reconnues par le Vatican jeudi 12 mars dans la gestion de cette affaire. Il est rare que le Saint-Siège justifie ses décisions a posteriori. Il est encore plus rare qu’il reconnaisse ses erreurs. Dans une lettre de six pages adressée aux évêques, Benoît XVI assure qu’il n’avait pas pris connaissance des déclarations négationnistes de Mgr Williamson avant de décider sa réintégration…
Cette drôle d’excuse suscite déjà l’ironie de la part de nombre de commentateurs sceptiques. Il est vrai que les propos tenus par l’évêque révisionniste devant les caméras d’une chaîne de télévision suédoise le 21 janvier, et diffusés le même jour sur Internet, avaient suscité l’indignation, tant dans les rangs de l’Eglise catholique que parmi les institutions juives dans le monde entier. Difficile de croire que l’information aurait échappé au service de presse et de communication du Vatican. Dans sa lettre, Benoît XVI estime que le problème aurait pu être évité si le Vatican utilisait davantage Internet… Trois jours plus tard, et malgré
la controverse suscitée, le 24 janvier, le pape levait l’excommunication de Mgr Williamson et de trois autres évêques traditionalistes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X fondée en 1970 par l’évêque schismatique français Marcel Lefebvre.
La négation des chambres à gaz et la remise en cause du chiffre de six millions de victimes juives au cours de la Deuxième guerre mondiale participent de la remise en question de la politique d’extermination nazie et de la Shoah. L’historien Pierre Vidal-Naquet qualifiait « d’assassins de la mémoire » ou « d’Eichmann de papier » les falsificateurs de l’histoire. En choisissant de réintégrer au sein de l’Eglise catholique un évêque qui s’est fait le défenseur de thèses révisionnistes, le Vatican a bien commis une erreur.
Dans sa lettre de six pages, « très personnelle, très angoissée, très peinée, mais très honnête », selon la déclaration d’un évêque italien ayant requis l’anonymat, le pape dit avoir tiré les leçons de la crise et promet que ses services recourront désormais davantage à Internet. Pour Benoît XVI, il était impossible de prévoir que l’affaire Williamson pourrait nuire à la cohésion de l’Eglise, qu’il pensait au contraire servir en levant son excommunication. Benoît XVI se dit en outre très peiné des critiques dont il a fait l’objet de la part de catholiques et juge l’Eglise menacée par les querelles internes.
Si l’unité de l’Eglise est une priorité de l’actuel pontificat, la hiérarchie vaticane aura oublié que ce n’est pas la première « affaire révisionniste » qu’elle doit gérer. L’affaire du Carmel d’Auschwitz, qui avait suscité il y a vingt ans une polémique grave entre les représentants du judaïsme et l’Eglise catholique, avait abouti à un règlement équilibré du conflit grâce à l’implication de feu Mgr Decourtray, alors Prélat des Gaules et à la mobilisation du grand rabbin de France de l’époque, René-Samuel Sirat. Ensemble, ils avaient rédigé une déclaration commune et solennelle, « Souviens-toi », et décidé du démantèlement du couvent des carmélites dans l’enceinte d’Auschwitz. Rappelons aussi que ce Carmel d’Auschwitz était un « cadeau » fait au pape Jean-Paul II par des intégristes catholiques belges, également partisans des thèses révisionnistes.
L’affaire Williamson ne concerne pas la problématique posée alors d’une certaine tentation de christianiser la Shoah ; Mgr Williamson, qui estime le nombre de victimes juives à 200 000 ou 300 000 personnes, a regretté le tort causé par ses propos mais ne s’est pas rétracté, malgré les exigences du Vatican. Comment accepter qu’au nom de l’unité, l’Eglise réintègre des évêques animés d’une volonté de remettre en cause l’existence du plus grand crime de l’histoire ?
Depuis le Concile Vatican II, les relations judéo-catholiques vont, malgré les tentations révisionnistes d’une certaine frange de l’Eglise catholique, en s’améliorant. En 1987, Jean-Paul II s’était rendu à la grande synagogue de Rome. On se souvient de son discours sur « les frères aînés ». On se souvient aussi de sa visite historique à Jérusalem. La prochaine visite en Israël du pape Benoît XVI s’inscrit aussi dans une logique de rapprochement et de compréhension mutuelle. Tandis que l’attitude de Pie XII à l’égard des Juifs pendant la Deuxième guerre mondiale reste un sujet de débat, des représentants de l’Eglise catholique participent aussi à l’élaboration d’une véritable « politique de la mémoire » qu’il faut saluer. Le Père Desbois a décidé de trouver en Ukraine toutes les fosses communes dans lesquelles les Nazis ont jeté les Juifs ukrainiens après les avoir massacrés. Depuis quatre ans, il fait parler les témoins des villages et des villes et avec leur aide, il a déjà retrouvé plus de 400 fosses. L’homme qui a accompli cette tâche immense n’est pas juif, mais un prêtre catholique de France.
Cette semaine, nous pensons à Guilad Shalit, otage du Hamas depuis 994 jours. Le 8 mars, journée internationale de la Femme, la présidente de l’organisation féminine israélienne « Naamat », Talia Livni a exhorté Ehoud Olmert à travailler à la libération du soldat franco-israélien, après avoir rendu visite à sa famille dans la tente de protestation érigée à l’extérieur de la résidence du Premier ministre à Jérusalem. « Je parle au nom de toutes les mères en Israël - sauvez Guilad Shalit dès maintenant. Il n’y a pas de prix trop élevé pour sa vie, nous avons tous mal en entendant les cris étouffés d’Aviva Shalit ».