31.3.09

Islamophobie / antisémitisme : pas le même combat



Par KLAUS FABER


Un nouveau débat sur l'antisémitisme en Allemagne est né. Au cours d'un colloque sur le thème : "Perception de l'ennemi musulman - perception de l'ennemi juif", le Centre de recherche sur l'antisémitisme de l'université technique de Berlin a malencontreusement comparé l'antisémitisme à l'hostilité contre l'islam. Cette tentative d'analogie en a fait sursauter plus d'un.


Le terme "islamophobie" a souvent été utilisé au cours de manifestations à l'encontre d'Israël et de l'Occident dans les pays islamiques. Et pourtant, cette notion ne se réfère pas à une discrimination à l'égard des musulmans, mais plutôt à une critique de la charia (règles de conduite pour les musulmans) et de l'islam en général.

"L'islamophobie est en train d'atteindre le niveau de l'antisémitisme des années 1930", a déclaré Ekmeleddin Ihsanoglu, secrétaire général de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) - organisation intergouvernementale créée en 1969 qui regroupe 45 Etats membres - dans une interview à un journal turc. Il s'aligne ainsi de fait avec la politique générale de la délégation de son organisation aux Nations unies.

Et de mentionner la conférence onusienne contre le racisme qui doit avoir lieu à Genève l'année prochaine, où l'"islamophobie" sera traquée comme le diable, tandis qu'Israël sera victime de discrimination, dans la lignée antisémite traditionnelle que nous connaissons.

L'antisémitisme et l'islamophobie ne sauraient être mis sur le même pied d'égalité. Personne ne veut exterminer tous les musulmans ou effacer un pays islamique de la mappemonde. Nul ne reproche aux musulmans tous les maux de la planète.

Il suffit de lire tout le venin répandu dans de nombreux pays islamiques par les institutions musulmanes à l'encontre d'Israël et des Juifs pour saisir cette différence fondamentale.

Simple illustration : en Allemagne, la police doit constamment protéger les jardins d'enfants, les écoles, les synagogues et les institutions juives. En revanche, le terrorisme anti-islamique étant pratiquement inexistant en Europe, aucune institution musulmane n'a besoin des bons soins des forces de l'ordre. CQFD.

Sans parler de l'étroite collaboration dangereuse entre les groupuscules islamiques et néo-nazis, qui partagent la même passion dévastatrice.

Certes, il règne en Allemagne une discrimination antimusulmane que nous devons combattre au coude à coude avec les musulmans progressistes. En effet, la grande majorité des musulmans allemands défendent les valeurs démocratiques et ne demandent qu'à s'intégrer.

Malheureusement, ces organisations musulmanes réactionnaires et conservatrices ne sont jamais au rendez-vous quand il s'agit de rejoindre la lutte contre l'antisémitisme.

Belles intentions, conséquences néfastes

Dans le débat actuel en Allemagne, certains soutiennent que la tendance à blâmer toute une population pour les actes répréhensibles d'un individu isolé est à l'origine de l'hostilité envers l'islam, avançant la similarité structurelle de ce tort avec l'antisémitisme.

Sauf que dans un cas, l'acte "répréhensible" est une malversation dans le marché financier ou dans les médias, et dans l'autre une action terroriste, le djihadisme et la volonté d'éliminer Israël.

Mettre ces actes sur le même plan est inacceptable et ne saurait être justifié par l'affirmation souvent entendue selon laquelle il s'agit-là d'éviter une "hiérarchisation des victimes".

En Allemagne, l'accusation pour crimes de guerre a souvent été contrecarrée par la comparaison avec le bombardement aveugle des Alliés à Dresde (du 13 au 15 février 1945, la ville allemande de Dresde fut pratiquement entièrement détruite par la Royal Air Force britannique).

Comparer l'"islamophobie" à l'antisémitisme revient à amenuiser non seulement la Shoah, mais aussi les dangers antisémites actuels, comme la propagande iranienne antijuive et anti-Israël, les menaces terroristes d'organisations antisémites, comme le Hamas ou le Hezbollah - qui n'a pas encore été interdit en Allemagne.

Un tel amalgame dessert le combat contre l'antisémitisme et, parallèlement, nuit à la politique intégrationniste allemande qui aspire à mettre fin à l'anti-islamisme. Enfin, cette comparaison abusive entrave le boycott contre l'Iran et ses plans génocidaires.

Il existe différents courants politiques au Centre de recherche sur l'antisémitisme, qui contribuent à faire avancer le débat. Mais parallèlement, il y a ceux qui assimilent "l'islamophobie" à l'antisémitisme et, par exemple, considèrent l'accusation d'antisémitisme faite aux musulmans comme une caractéristique de l'"islamophobie".

Il est difficile de comprendre pourquoi personne ne s'inquiète des conséquences que pourrait avoir une accusation d'"islamophobie excessive" à l'encontre de personnes ou d'Etats.

Alors allez-y, comparez l'incomparable à tout-va, Dresde et Auschwitz, l'"islamophobie" et l'antisémitisme. Mais il est de notre devoir de mettre le doigt sur les fausses analogies, dans le domaine de la recherche scientifique, comme dans celui de la politique.

L'écrivain, ancien secrétaire d'Etat allemand, est avocat et journaliste à Potsdam, en Allemagne. Il est membre du Conseil de coordination des ONG allemandes contre l'antisémitisme.