22.3.09

Iran : La Russie s’adapte à un dialogue irano-américain


Lors d’un débat avec Javier Solana à Bruxelles, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov a déclaré qu’il n’y avait aucune preuve d’une volonté iranienne de fabrication d’arme nucléaire. Il s’est ainsi dressé clairement contre les positions américaines qui justifient le maintien des sanctions contre l’Iran. La levée des sanctions est une condition sine qua non posée par Téhéran pour accepter de dialoguer avec Washington. La Russie semble avoir choisi sa tactique pour influer sur ce dialogue qui semble inévitable et dont elle est exclue.


La Russie a besoin de l’Iran pour bloquer l’accès à l’Asie Centrale et les mollahs de la Russie pour bloquer les Américains (au Conseil de Sécurité). Mais leur alliance n’est pas amicale : pour profiter de cette protection russe, l’Iran a dû renoncer à servir de couloir d’accès vers l’Asie Centrale et par conséquent à renoncer à des milliards de dollars qui font la fortune de la Russie et de Gazprom.

Cependant, bien que liés par intérêts, leurs statuts diffèrent : la Russie n’a pas le choix alors que les mollahs si. Les Russes doivent garder l’Iran ou périr alors que Téhéran peut changer de bord et il est en plus courtisé par Washington pour faire ce choix. Ce choix offrirait l’Asie Centrale (fournisseur de gaz à la Chine et à la Russie) sur un plateau aux Américains.

D’ailleurs, pressé de réaliser cet exploit aux multiples retombées économiques et stratégiques, tous les jours depuis son élection, Obama fait des offres de dialogue sans conditions préalables aux mollahs. Téhéran refuse car Obama a renoncé aux conditions préalables imposées par son prédécesseur George Bush, mais d’aucune façon aux sanctions adoptées par le même homme. Si Téhéran acceptait l’offre de dialogue d’Obama, il lui faudrait faire des compromis, ce qui reviendrait à renoncer au Hamas et au Hezbollah, ses moyens de pression régionale, alors que dans le même temps les Etats-Unis conserveraient leurs moyens de pressions, c’est-à-dire leurs sanctions qui pénalisent lourdement Téhéran. Autant dire qu’accepter ce dialogue serait une capitulation. C’est d’ailleurs pourquoi Washington continue et que les mollahs refusent.

Récemment pour casser cette stratégie de fuite, Washington a invité les mollahs à participer à une conférence sur la stabilité de l’Afghanistan. Les mollahs ont refusé, forçant Washington à les poursuivre de leur assiduité dans une conférence organisée à Moscou sur le même thème afghan. Même si les mollahs se dérobent à cette rencontre, cela ne fait plus de doute qu’ils ne pourront plus renouveler cet exploit pour longtemps, ils devront bientôt entamer le dialogue avec les Américains. D’où cette récente intervention de la diplomatie russe : puisqu’elle ne peut empêcher cette rencontre, elle entend donner aux mollahs les moyens de résister à la capitulation face aux Etats-Unis.

Pour aller dans ce sens, il a parlé contre le maintien des sanctions américaines et aussi contre leur volonté de priver Téhéran de son rôle régional. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé samedi qu’il n’y avait aucune preuve que l’Iran soit en train de fabriquer une arme nucléaire car son programme est sous la surveillance des caméras de l’AIEA (le gendarme nucléaire de l’ONU). Il a appelé à renforcer cette surveillance qui détecterait toute manipulation suspecte des centrifugeuses pour augmenter leur capacité d’enrichissement. Moscou a ainsi plaidé, comme El Baradai, en faveur d’un droit à l’enrichissement à faible taux ce qui va à l’encontre des sanctions adoptées par le Conseil de Sécurité contre l’actuel programme iranien qui est justement un enrichissement à taux faible à usage civil.

L’approche russe est très intéressante car les Américains ont toujours légitimé leur train de sanctions en se référant aux résolutions du Conseil de sécurité. Incapable d’imposer une levée des sanctions américaines, Moscou cherche à priver ces sanctions de leur légitimité.

Il a également appelé la communauté internationale à négocier avec les mollahs « sur tous les problèmes du Proche-Orient », mais aussi à propos de l’Irak ou encore l’Afghanistan. Selon le chef de la diplomatie russe, « il faut dialoguer en considérant que l’Iran représente une partie constructive de la solution, pas une partie du problème ». C’est un soutien sans ambiguïté au rôle régional des mollahs. La Russie entend renforcer les mollahs sur tous les plans, car elle préfère un allié peu coopératif à un voisin stratégique totalement soumis à son ennemi américain.

La Russie n’est pas la seule à avoir fait ce choix dans le groupe des Six (Conseil de sécurité+Allemagne), un autre membre de ce groupe a fait ce même choix. Il s’agit de la Grande-Bretagne dont la suprématie sur le marché pétrolier sera menacée par la mainmise américaine sur l’Asie Centrale.

La semaine dernière dans un discours très commenté, Gordon Brown a apporté son soutien à un programme nucléaire iranien qui aurait le droit d’enrichir à faible taux « sous la surveillance de l’ONU » (c’est-à-dire par un accord du Conseil de Sécurité et via l’AIEA). Une semaine auparavant, il avait entamé un dialogue avec le Hezbollah, reconnaissant indirectement du rôle régionale des mollahs. Ce dialogue avait perturbé les Américains au point de protester publiquement contre leur allié, mais néanmoins concurrent pétrolier.

Ce positionnement anti-américain pourrait intéresser la Chine, mais aussi d’autres alliés, mais néanmoins concurrents des Etats-Unis au sein des Six. C’est pourquoi Lavrov a choisi une rencontre avec son homologue européen Javier Solana pour exposer ses propositions pour un compromis avec l’Iran. Rien n’est joué.


www.iran-resist.org