4.3.09

Gaza: Des dollars pour quoi faire?


La conférence de Charm el Cheikh a dégagé 4,5 milliards de dollars pour les Palestiniens. (Reuters)

Par Christophe ISRAËL
leJDD.fr

Près de 4,5 milliards de dollars ont été promis aux Palestiniens lors de la conférence sur la reconstruction de Gaza, qui s'est tenue lundi à Charm el Cheikh, en Egypte. Une somme colossale, qui vient s'ajouter aux 7 milliards déjà débloqués en décembre 2007 à Paris. D'où vient cet argent? A qui profite-t-il vraiment? Focus sur les mécanismes de l'aide internationale.

Comment sont chiffrés les besoins?
En amont de la conférence, le chiffrage a été réalisé par le Conseil économique palestinien pour le développement et la reconstruction (Pedcar). L'estimation proposée par les Palestiniens se montait à 2,8 milliards de dollars. Pour sa part, le Fonds monétaire international (FMI) a lui estimé à 2,25 milliards de dollars -dont 600 millions de dollars jugés nécessaires pour reconstruire et réhabiliter Gaza- les besoins d'aide internationale pour l'Autorité Palestinienne en 2009.

Qui sont les donateurs et combien donnent-ils?
Des Etats et les grandes organisations internationales sont les principaux contributeurs de l'aide: pays arabes et du Moyen-Orient, G8, les 27 Etats membres de l'UE, les grands pays émergents, mais aussi la Commission européenne, les institutions financières internationales et régionales (FMI, Banque mondiale, BEI, fonds arabes, etc.) ainsi que les Nations Unies. A Charm el Cheikh, les Etats-Unis ont promis 900 millions de dollars, la Commission européenne 554 milliards et les monarchies du Golfe 1,65 milliard sur trois ans. La Banque mondiale et les Nations Unies (par l'intermédiaire de leurs programmes d'aide comme le Pnud ou l'Unrwa), ont eux aussi déboursé plusieurs milliards de dollars.

A qui est versé l'argent?
Les fonds sont versés exclusivement à l'Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, seul exécutif politique palestinien reconnu par la communauté internationale. C'est donc le gouvernement de Salam Fayyad qui gère l'argent reçu et décide de sa répartition.

Quels sont les objectifs visés?
"L'objectif de ce plan n'est pas seulement de ramener la situation à ce qu'elle était avant l'agression israélienne mais aussi de relever le niveau de l'économie palestinienne et améliorer ses capacités, y compris dans le secteur privé", avait affirmé le Premier ministre palestinien Salam Fayyad. La reconstruction des logements, écoles, hôpitaux, et infrastructures élémentaires est prévue. L'achat de produits alimentaires de base et d'essence pour alimenter la centrale électrique figurent aussi parmi les dépenses de première nécessité à Gaza.

"70% pour payer les salaires"

Comment sont utilisés les fonds reçus?
Après la conférence d'Annapolis, le gouvernement palestinien a établi un "Programme national de développement palestinien" triennal pour la période 2008-2010, déterminant les priorités. Dans la pratique, la ventilation des sommes accordées se fait entre le budget de l'Autorité palestinienne et les projets d'infrastructures. 70% des fonds servent aux dépenses de fonctionnement du gouvernement. En clair, pour payer les salaires des fonctionnaires et combler les arriérés. Seuls 30% sont concrètement investis dans des programmes de construction du réseau d'électricité, d'adduction d'eau...

Quels sont les mécanismes de contrôle?
Il n'existe pas d'organisme chargé de contrôler l'utilisation des fonds versés à l'Autorité palestinienne. En mars 2005, une enquête diligentée par l'Olaf (Office indépendant de lutte anti-fraude de l'Union européenne) a conclu qu'il n'existait "aucune preuve probante que les contributions financières versées par la commission européenne au budget de l'autorité palestinienne aient soutenu des attaques armées ou des activités illégales". En revanche, des traces de transferts de plusieurs centaines de millions de dollars vers des comptes en banque situés en Suisse et en Tunisie ont alimenté les soupçons de détournement d'une partie de l'aide par des responsables de l'Autorité palestienne. En outre, alors que la communauté internationale ne dispose de quasiment aucun moyen de pression ou de sanction, un fort clientélisme persiste, qui pousse le gouvernement à privilégier ses amis.

Perspectives politiques...
En septembre 2007, un rapport de la Banque mondiale soulignait que l'aide internationale ne pourra avoir d'effets durables sans un changement de la situation sur le terrain. "Le vrai vainqueur, c'est l'Etat palestinien", se félicitait Bernard Kouchner en clôture de la conférence de Paris, en décembre 2007, dans la foulée de la conférence d'Annapolis. Présentées comme un appui à un Etat palestinien viable, les donations de la communauté internationale annoncées à Charm el Cheikh sont avant tout un soutien clair à Salam Fayyad et au Fatah, contre le Hamas", souligne Aude Signoles, spécialiste du Proche-Orient. Pour la chercheuse, à court terme, "il ne peut y avoir d'aide apportée à Gaza sans réouverture des points de passage avec Israël" (à laquelle tous les membres présents à Charm el Cheikh ont appelé, ndlr). Et à moyen et long terme, il ne pourra y avoir de solution qu'avec un gouvernement d'union nationale, "constitué de technocrates plutôt que de politiques", à l'instar de Salam Fayyad, qui est un ancien de la Banque mondiale, conclut-elle.


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