2.3.09

Les grands absents du "Gazathon"


De gauche à droite: le président palestinien Mahmoud Abbas, le président français Nicolas Sarkozy, le président égyptien Hosni Mubarak et le secrétaire génral des Nations unies Ban Ki-moon assistent à l'ouverture du sommet pour la reconstruction de Gaza à Charm el-Cheikh le 2 mars 2009.

Par Vincent Hugeux
REUTERS/Gerard Cerles/Pool

De gauche à droite: le président palestinien Mahmoud Abbas, le président français Nicolas Sarkozy, le président égyptien Hosni Mubarak et le secrétaire génral des Nations unies Ban Ki-moon assistent à l'ouverture du sommet pour la reconstruction de Gaza à Charm el-Cheikh le 2 mars 2009.

Si les promesses sonnantes et trébuchantes ont fusé lors du sommet pour la reconstruction de Gaza, elles ne seront efficaces que si le processus de paix est réamorcé. Un tout autre pari, alors même que les acteurs du conflit son absents de la réunion de Charm el-Cheikh.

A-t-on jamais vu absents aussi présents, du moins dans les discours et les esprits? Les ombres d'Israël et du Mouvement de la résistance islamique (Hamas), les deux protagonistes de la "guerre de 22 jours" déclenchée le 27 décembre dernier, auront plané ce lundi sur le sommet de Charm el-Cheikh (Egypte). Voué à la reconstruction de la bande de Gaza, dévastée par l'offensive meurtrière de Tsahal (1300 tués environ), ce forum a réuni dans la station balnéaire de la Mer Rouge pas moins de 75 délégations, en présence du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, de l'hôte égyptien Hosni Moubarak, du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, du locataire de l'Elysée Nicolas Sarkozy, du premier ministre italien Silvio Berlusconi ou du Britannique Tony Blair, émissaire du Quartette pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Russie, ONU et UE). Autant dire que ce rituel avait quelque chose d'insolite, sinon de surréaliste.

Money is not a problem

Saoudien, américain ou européen, l'argent ne fera pas défaut. Cinq cents millions par-ci, un milliard par-là: qui dit mieux? Sur ce front-là, le Gazathon aura amplement atteint ses objectifs: près de 3 milliards de dollars de promesses de dons. En revanche, le transfert des fonds relève du casse-tête: comment financer la résurrection de l'habitat et des infrastructures en ruines tout en contournant les islamistes du Hamas, seuls maîtres depuis le coup de force de juin 2007 de la bande côtière étroite et surpeuplée? Là encore, l'exercice a quelque chose d'ubuesque: on voit mal comment Washington pourrait s'assurer que les 300 millions alloués directement aux Gazaouis, soit le tiers de sa contribution, échapperont aux frères ennemis d'Abbas, dont l'emprise repose certes sur la permanence d'un appareil efficace de contrôle et de coercition, mais aussi et surtout sur la densité du maillage social patiemment tissé depuis des lustres.

Processus de paix

Toutes les éminences qui se sont succédées à la tribune de Charm el-Cheikh ont entonné la même antienne: un tel afflux de crédits n'a de sens que s'il a pour corollaire la relance d'un processus de paix moribond. Or, en la matière, la conjonction astrale paraît funeste. Faute d'accord avec sa rivale centriste Tzipi Livni, le chef du Likoud Benyamin Netanyahou s'apprête à constituer le gouvernement le plus droitier de l'histoire d'Israël. Donc le moins enclin aux concessions envers les Palestiniens. Reste que le cabinet sortant, dirigé par Ehoud Olmert, n'est guère plus conciliant: il refuse à ce stade de déverrouiller les accès à la bande de Gaza, perpétuant ainsi un blocus fatal à l'acheminement des matériaux de construction, au demeurant bannis par l'Etat hébreu depuis près de deux ans, et dont la levée demeure subordonnée à la libération du caporal Gilad Shalit. Autre facteur de tension: la poursuite des tirs de roquettes sur le sud d'Israël. Autant dire que les tractations engagées par l'entremise du Caire en vue d'une "trêve durable" entre les belligérants tournent pour l'heure à vide.

Ultime hypothèque: la discorde inter-palestinienne. Si le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas oeuvrent à la formation, d'ici à la fin du moins, d'un cabinet d'union nationale, rien ne prouve qu'ils surmonteront les très lourds contentieux qui plombent leur dialogue chaotique. Qu'ils y parviennent, et nul doute que l'Union européenne et, plus discrètement, les Etats-Unis lèveront de fait le veto opposé à tout dialogue formel avec la mouvance islamiste.

Le sommet égyptien s'apparente d'ailleurs pour Hillary Clinton et l'administration Obama, à un périlleux baptême du feu. La nouvelle équipe est-elle vraiment résolue à infléchir la doctrine des années Bush, quitte à contraindre Israël à nuancer son intransigeance? En l'espèce, les actes pèsent plus lourd que les mots.